La trêve de 48 heures décidée par les Israéliens à la suite du massacre de Qana, ce village martyr du Sud-Liban, était subordonnée à une enquête devant faire toute la lumière sur cette tragédie. Le problème est que cette enquête est menée par les Israéliens eux-mêmes qui s'instituent juge et partie à la face du monde. L'opinion internationale, indignée par un crime de guerre aussi effroyable, ne peut pas être dupe d'un procédé cousu de fil blanc. Personne ne peut imaginer, un seul instant, que des sanctions seront prises contre le militaire israélien qui a bombardé Qana par ses supérieurs hiérarchiques qui lui en avaient donné l'ordre. Il aurait été plus logique qu'Israël, qui est sur le banc des accusés, soit dessaisi de ce dossier accablant qui est davantage du ressort de la communauté internationale et des instances juridiques internationales. L'ONU, dans un cas d'atteinte de ce type était tout à fait fondée à mettre sur place une commission d'enquête qui placerait Israël devant ses responsabilités. Car la démarche de l'Etat hébreu, dans une manœuvre d'auto-justification consiste à rejeter la balle dans le camp des populations libanaises qui ont eu le tort de ne pas fuir Qana où étaient supposés s'être établis les éléments du Hezbollah. Ce faisant, les Israéliens ont tiré dans le tas sans s'embarrasser du fait de savoir si les bombardements allaient toucher les miliciens du Hezbollah ou d'innocents civils, des femmes et des enfants tués dans leur sommeil. Dans de telles conditions, quel crédit peuvent avoir les regrets a posteriori d'Israël, et quelle validité peut s'attacher à une commission d'enquête dont l'impartialité est par avance douteuse. Il ne faut pourtant nourrir aucune illusion sur la mise en place d'une commission d'enquête internationale indépendante et objective. La tragédie de Qana risque en fait d'être assimilée aux dommages collatéraux d'une guerre que les populations libanaises subissent sans pouvoir se défendre. Les Israéliens les prennent pour cibles parce qu'elles les considèrent comme favorables au Hezbollah, voire d'être utilisées comme bouclier par la milice chiite. Cette logique n'a laissé aucune chance aux victimes de l'immeuble bombardé par les Israéliens à Qana. Ces derniers, qui disposent de moyens de surveillance technologiquement avancés ne pouvaient pas ignorer qu'il y avait encore des habitants au moment où ils attaquaient le village, et ce n'étaient pas obligatoirement des éléments du Hezbollah qui auraient eu la naïveté, dans un contexte aussi dur, de dormir paisiblement dans des bâtisses toutes désignées pour être frappées. Il fallait simplement, à Israël, faire un exemple à Qana en vertu de ce principe du cow-boy qui consiste à tirer d'abord et à s'expliquer ensuite. Mais lorsque il s'agit d'un carnage perpétré de sang-froid, avec la volonté de faire beaucoup de victimes pour frapper les imaginations, on ne voit pas quelles explications pourraient apaiser le ressentiment universel face au spectacle effroyable d'enfants déchiquetés par les bombes israéliennes. L'annonce d'une commission d'enquête israélienne s'apparente alors à une provocation supplémentaire, un déni de la conscience humanitaire. Le massacre de Qana ne peut pas être réduit à une bavure, un incident de parcours, un évènement ordinaire déconnecté de la sensibilité du monde. Israël ne peut pas se dédouaner de ce crime par le procédé de la vraie fausse enquête.