Synthèse de Hassan Gherab La tension entre Israël et la Syrie a grimpé de plusieurs crans, mercredi dernier, avec les déclarations du président israélien, Shimon Peres, accusant la Syrie d'avoir fourni des missiles Scud au Hezbollah libanais. Avant son départ pour une visite en France, celui-ci avait mis en cause les autorités de Damas dans une interview à la radio publique. La Syrie affirme qu'«elle veut la paix, alors qu'elle fournit au même moment des Scud au Hezbollah», avait déclaré M. Peres, mais sans donner la moindre preuve de ses accusations. Selon Israël, la milice du Hezbollah, mouvement chiite soutenu par l'Iran et la Syrie, dispose de plus de 40 000 roquettes, dont certaines ont une portée supérieure à 300 km. Dès le lendemain, Damas a réagi par le biais de son ambassade à Washington qui a nié, jeudi dernier, toute livraison de missiles Scud syriens au Hezbollah libanais. Un officiel syrien a présenté ces informations, avancées par de hauts responsables israéliens, comme une manœuvre de diversion, d'autant plus qu'Israël n'a apporté aucune preuve de ses accusations. Cela n'a toutefois pas empêché la tension de monter, non seulement entre les deux pays, mais dans toute la région. Le roi de Jordanie, Abdallah II, a d'ailleurs affiché ses craintes de voir éclater un conflit entre Israël et le Hezbollah libanais, et cela bien avant qu'Israël ne formule ses accusations contre la Syrie. En effet, le journal en ligne américain Huffingtonpost rapporte que, lors d'un congrès qui s'est tenu mardi dernier à la Chambre des représentants, le roi Abdallah II s'est montré très concerné par les tensions actuelles et le fait qu'un conflit était sur le point d'éclater à nouveau entre Israël et le Hezbollah. Une éventualité que le journal juge extrêmement préoccupante. Car le «Hezbollah intègre désormais le Parlement libanais et interagit avec d'autres pays, comme la France, à tous les niveaux du gouvernement. Une guerre Israël-Liban pourrait empêcher la recherche de normalisation que les Etats-Unis poursuivent en Syrie», écrit Huffingtonpost. La réaction de la Maison-Blanche ne s'est d'ailleurs pas fait attendre, bien que la livraison des missiles Scud syriens au Hezbollah n'ait pas été formellement établie. En fait, les officiels américains ont réagi à une situation que la presse américaine juge «susceptible de changer la donne» au Proche-Orient. «Nous sommes de plus en plus inquiets au sujet des armements sophistiqués qui seraient transférés. Nous avons exprimé nos inquiétudes à ces gouvernements [Beyrouth et Damas] et estimons qu'il faut prendre des mesures pour réduire les risques et les dangers», a déclaré, mercredi dernier, le porte-parole de la Maison-Blanche, Robert Gibbs. Washington n'a pas conforté les accusations de Shimon Peres ni confirmé si les livraisons avaient été effectivement effectuées ou étaient seulement en projet. «Notre inquiétude a été suffisante pour que nous ayons parlé de cette question avec l'ambassadeur syrien à Washington lors de l'une de nos réunions régulières», a certifié, mercredi dernier, le porte-parole du département d'Etat, Philip Crowley, ajoutant que l'accumulation des armements représente «une menace évidente pour la sécurité du Liban». Le Démocrate John Kerry, président de la commission des affaires étrangères du Sénat, s'était déjà rendu le 1er avril dernier à Damas. Selon le porte-parole de la commission, Frederick Jones, il a été longuement reçu par le président Bachar El Assad et il aurait évoqué avec lui les livraisons d'armes au Hezbollah. Sans confirmer les transferts de Scud, le porte-parole indiquera que M. Kerry a demandé au président syrien lors de l'entretien qu'il a eu avec lui que ces transferts d'armes «cessent afin de promouvoir la stabilité régionale». En fait, même sans aucune preuve, des tensions dans la région ne peuvent que gêner les Etats-Unis qui voudraient bien voir leur «politique de main tendue» en direction de la Syrie porter ses fruits. Pour le journal américain New York Times, Washington espère ainsi éloigner la Syrie de l'Iran ainsi que du Hezbollah au Liban et du Hamas dans la bande de Ghaza. Or l'affaire des Scud ne peut que desservir la politique de l'administration Obama qui, pour la première fois, après avoir rappelé l'ambassadeur américain en 2005 suite à l'assassinat de l'ex-Premier ministre libanais Rafic Hariri en cinq ans, s'apprête à renvoyer un ambassadeur à Damas en la personne de Robert Ford, l'actuel numéro deux à Baghdad. Certains Républicains ont souhaité retarder l'installation de cet ambassadeur, mais les partisans de la politique de dialogue soulignent qu'elle a, au contraire, plus que jamais besoin d'un représentant à Damas. La nomination du diplomate a fait l'objet d'un vote favorable, mardi dernier, à la commission des affaires étrangères, mais doit être confirmée par les sénateurs. Mais si cette affaire de missiles gêne l'administration américaine et la politique qu'elle veut mener au Proche-Orient, elle sert en revanche les Israéliens qui, s'ils ne cherchent pas un casus belli pour prendre leur revanche sur le Hezbollah, manœuvrent pour, d'abord, torpiller cette tentative de rapprochement entre Washington et Damas et, ensuite, pour faire diversion et détourner l'attention des 200 têtes d'ogives nucléaires qu'Israël détient ainsi que leurs refus de laisser entrer une commission de contrôle de l'Agence internationale d'énergie atomique (AIEA), de ratifier le Traité de non-prolifération d'armes atomiques, de mettre un terme à la construction de colonies juives dans les territoires occupés, de respecter les résolutions de l'ONU… enfin, toutes ces violations du droit international qui font d'Israël le véritable, et le seul, Etat-voyou et terroriste de la région, que tous les puissants du monde, à leur tête les Américains, soutiennent, ménagent et défendent.