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Un écrivain sanctifié, voire statufié
Contribution : 25e anniversaire de la mort de Kateb Yacine
Publié dans El Watan le 11 - 11 - 2014

Il y a vingt-cinq ans, nous quittait Kateb Yacine. Il est parti à un moment crucial de l'histoire de l'Algérie : Le FIS tentait de mener le pays de force au paradis islamiste, et le régime en prenait prétexte pour refermer la parenthèse d'une si éphémère ouverture démocratique. La mort lui a épargné de voir la vaste demeure de la famille révolutionnaire accueillir des chefs de l'AIS et la sainte enceinte de la oumma grouiller d'hommes, certes pieux, mais néanmoins responsables de milliers de morts et de disparitions.
Mais s'il a échappé aux années 1990 et à leurs dilemmes, Kateb Yacine n'a pas échappé à la statufication. Il n'y a échappé ni au sens propre ni au sens figuré. Pour le vingt-cinquième anniversaire de sa disparition, la bureaucratie de la culture algérienne lui a rendu hommage à sa manière particulière, en lui élevant une stèle à Aïn Ghrour, pays des Keblout, tribu dont il est, suppose-t-on, issu. Personne, pas même les meilleurs connaisseurs de l'Algérie des miracles, ne pouvait se douter que l'auteur des Ancêtres redoublent de férocité serait traîné vers la place du village, lui qui rêvait d'un monde sans frontières.
L'Algérie officielle nous avait habitués à ériger des stèles commémoratives, son plus bel hommage aux défunts. Ni sa lourde indifférence aux vivants ni sa douteuse sollicitude pour les morts ne nous étonnaient plus. Mais c'était la première fois qu'elle érige à un romancier «de stature universelle» une stèle sur l'exigu territoire de sa «tribu». La statufication de Kateb Yacine n'est pas toutefois le fait du seul Etat algérien et de sa bureaucratie.
Elle est aussi le fait de ses «amis», et ils sont légion, car tout le monde a été son camarade, son disciple ou, pour le moins, son voisin, et, n'était l'obstacle de l'âge, il s'en trouverait qui prétendraient être ses descendants. Ces fidèles ont transformé en idole celui qui se considérait comme «la révolution à l'état nu». Ils ont abaissé, à une malheureuse poignée de clichés, ses idées, dont l'évolution est marquée par le temps et une histoire violente et tourmentée.
Ils ont aussi réduit à une ligne ennuyeuse et rectiligne un parcours politique riche et paradoxal, qui l'avait vu passer de l'arabisme à un algérianisme radical, teinté de berbérisme. Cette idolâtrie amicale a commencé très tôt. Du vivant de Kateb Yacine, on lui répétait déjà qu'il était le plus grand romancier algérien de tous les temps, non sans considérer ses écrits comme de belles énigmes, indéchiffrables pour quiconque n'aurait pas reçu de lui personnellement la clé de leurs vérités ésotériques.
Malgré lui, on sanctifiait celui qui avait contesté le titre de «grand écrivain» dont l'avait anobli une journaliste française : «Un grand écrivain ? Je suis un mythe plutôt. Je représentais jusqu'à présent un des aspects de l'aliénation de la culture algérienne. J'étais considéré comme un grand écrivain parce que la France en avait décidé ainsi. En fait, mon nom est connu comme est connu celui d'un footballeur ou d'un boxeur. Mes livres ne disaient rien de précis au peuple parce qu'il ne les avait pas lus».
Il existe une autre idolâtrie katébienne un peu moins naïve et un peu plus intéressée. Depuis son décès, expliquer son écriture et en révéler les insondables secrets sont devenus des sentiers battus vers la notoriété. On rivalise d'ingéniosité pour «réinterpréter» Nedjma, «relire» Le Cadavre encerclé et «jeter une lumière nouvelle» sur Soliloques, toutes œuvres présentées au public comme de parfaits hiéroglyphes.
Ce faisant, on oublie qu'il n'y a pas plus archaïque que les gloses savantes sur ce qu'un auteur «a voulu dire» et qu'un texte, quel qu'il soit, est un espace ouvert dont personne ne peut prétendre saisir le sens profond ou caché. Naget Khada, spécialiste de littérature maghrébine, a fait remarquer que «l'inflation du discours d'escorte censé (...) médiatiser la compréhension de (l'œuvre de Kateb Yacine)» a déposé sur celle-ci une «gangue opacifiante».
C'est le moins que l'on puisse dire : par la faute de ces importuns compagnons, peu de lecteurs pensent pouvoir l'apprécier sans s'armer de patience et de toutes sortes de traités et de dictionnaires. Kateb Yacine s'est ainsi transformé en une sorte de marchandise immatérielle. Pour la bureaucratie de la culture, il est une preuve de la «portée universelle» du «génie algérien». Pour certains de ses amis, il est devenu, hélas, un «label» politique.
Nous en avons entendu qui le qualifiaient de «vrai démocrate» alors qu'il a toujours évoqué l'URSS avec plus de ferveur — provocatrice — que les «démocraties bourgeoises», et d'autres prétendre qu'il était «stalinien», alors que son admiration pour le «Père des peuples» n'avait jamais fait de lui un abonné des éditions du Progrès. On a oublié qu'il n'était qu'un écrivain et que l'écrivain «est, au sein de la perturbation, l'éternel perturbateur».


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