Une nouvelle charte pour définir le plan de carrière des enseignants universitaires sera exposée au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, ce jeudi, informe Abdelmalek Rahmani. Le porte-parole du Conseil national des enseignants du supérieur (Cnes) révèle que des réunions de deux semaines menées par le syndicat et la tutelle se sont soldées par l'élaboration d'un projet dont la principale idée est : «pas d'accès au grade supérieur sans production pédagogique». Il était temps. Face au passage obligatoire par la massification, conséquence de l'évolution du pays, l'Université a dû parer au plus urgent en recrutant à bras-le-corps des «encadreurs» qui ne répondaient pas obligatoirement à des critères pédagogiques pourtant indispensables. Plus de 40 000 enseignants ont été enrôlés pour les dix dernières années. «Actuellement, on recrute des diplômés et pas des enseignants. Tel est notre slogan au Cnes», déplore M. Rahmani. Selon ce membre du Cnes, le système de promotion des enseignants universitaires, basé quasi exclusivement sur le volet concernant la recherche scientifique, a considérablement dévalorisé l'effort pédagogique. Ce qui s'est répercuté de manière catastrophique sur la qualité de l'enseignement. «Les enseignants fuient les cours. Avec ce critère, l'enseignant se dit : ‘‘que j'assure des cours ou pas, je reste invisible''. Certains encadreurs se basent sur des polycopies des années 1960 pour aborder des sujets d'actualité. Ils ne sont pas motivés pour les efforts pédagogiques. Plus grave encore, cette mesure a conduit à un taux d'absentéisme dramatique des enseignants qui préfèrent activer dans les laboratoires de recherche», énumère l'universitaire. «Pire encore, ajoute-t-il, les enseignants de rang magistral évitent les cours et partent pour l'administration. C'est la chasse aux postes de responsables au plus près de la rente», fustige M. Rahmani. S'agissant du nouveau projet pour le statut particulier et le système de promotion des enseignants universitaire, le Cnes préconise une approche centrée sur les efforts pédagogiques pour évoluer dans la grille de carrière. «Toutes les tâches inhérentes à la fonction sont prises en considération», assure notre interlocuteur. Selon ses révélations, en plus des critères de recherches scientifiques (thèses et publications), l'enseignant devra faire montre d'efforts en matière de dispense de cours (cours magistraux, TD et autres, particulièrement pour les étudiants de 1re et 2e années) et d'encadrement. «Avec ces mesures, vous allez voir que les enseignants se rueront pour assurer des heures de cours. Ils se bousculeront pour faire valoir leurs compétences pédagogiques», espère le porte-parole du Cnes. Pour ce qui est de l'encadrement, la mise à la disposition des étudiants d'un tuteur (système de tutorat) prévu par le système LMD ne trouve pas preneur. «C'est une tâche qui fait fuir aussi les encadreurs. Une partie de la violence constatée des étudiants est due à l'inassouvissement de leurs besoins pédagogiques et d'accompagnement», soutient notre interlocuteur. Dans le volet formation des enseignants universitaires, M. Rahmani préconise une mise à niveau en matière de psycho-pédagogie pour se mettre au diapason des évolutions importantes des méthodes d'enseignement.«Les pouvoirs publics ont considérablement investi dans l'enseignement supérieur. Mais, maintenant que la gestion de la massification dans nos universités est une machine rodée, il faut aller de l'avant, vers l'instauration de la bonne gouvernance d'abord (au niveau des établissements universitaires) et la qualité de l'enseignement aussi. L'Université doit dispenser un savoir actualisé et à la hauteur des découvertes scientifiques récentes», préconise M. Rahmani. Se félicitant des efforts et des échanges avec la tutelle, le porte-parole du Cnes déplore toutefois le manque d'impact de ces concertations sur le terrain par la faute, soutient-il, de la mauvaise volonté de certains recteurs entourés, selon lui, par des «mafias» aux intérêts multiples. Fin octobre, le syndicat avait rendu publique une déclaration revendiquant l'amendement du statut particulier de l'enseignant-chercheur et une nouvelle réorganisation de l'Université algérienne. Le 7 novembre, le ministre de l'Enseignement supérieur, Mohamed Mebarki, assurait que «la promotion et la mise à niveau (des enseignants universitaires) sont tributaires de la production scientifique et pédagogique et de la capacité à innover».