Dans quel état se trouve exactement le président Abdelaziz Bouteflika ? Quels types d'examens a-t-il effectués à Grenoble ? S'agit-il d'un simple contrôle de routine ou bien faut-il voir dans cette évacuation à la clinique d'Alembert, dans l'Isère, le signe d'une rechute ? Si tel est le cas, quel en est le niveau de gravité ? Malheureusement, à ce chapelet de questions, point de réponse officielle. Pis encore : à considérer les démentis, sous le couvert de l'anonymat, exprimés par des «sources» proches du «dossier» et relayés par certains confrères, on en vient presque à se demander si cette hospitalisation n'est pas une fiction. Il n'en est évidemment rien, à moins que le cortège médicalisé quittant sous haute escorte, hier, la clinique de Grenoble ne transporte un autre patient «VIP». Alors que plusieurs chaînes de télévision faisaient le «siège» de l'établissement hospitalier, ce vendredi, l'ENTV ouvrait benoîtement son JT sur un message de félicitations adressé par le même Bouteflika à Mahmoud Abbas à l'occasion du 26e anniversaire de la proclamation, à partir d'Alger, de l'Etat palestinien. Et malgré la pression populaire et médiatique, aucun communiqué officiel, aucune déclaration «autorisée» ne sont venus mettre un terme à ce «faux suspense» et fournir un peu plus de précisions sur les circonstances de cette hospitalisation, prêtant encore une fois le flanc à toutes sortes d'interprétations. Il y a ainsi une espèce d'omerta méthodiquement entretenue autour du dossier médical du chef de l'Etat. Un dossier frappé quasiment du sceau «secret-défense» et érigé en tabou d'Etat. Les «communicants» – s'ils existent – émargeant à la Présidence s'évertuent, dès lors, à circonscrire l'affaire dans le strict domaine privé et à faire du «patient» Bouteflika un patient ordinaire. Mais voilà : Bouteflika est tout sauf un patient ordinaire, et son bulletin de santé continuera à faire débat dans l'opinion aussi longtemps que l'on continuera à l'entourer de mystère, cultivant par là même le sentiment que le président de la République est plus affaibli que jamais et n'est plus à même d'honorer son (quatrième) mandat. Plutôt que de s'acharner à entretenir l'illusion d'un Président au faîte de ses capacités physiques au point de recourir à toutes sortes d'artifices et de mises en scène, au point de lui imposer des audiences improbables en l'obligeant à se fendre d'une quelconque déclaration (fut-elle aussi plate qu'un banal «rani beaucoup mieux»), il serait peut-être temps d'adopter une communication plus respectueuse des Algériens et qui rende sa dignité au chef de l'Etat lui-même. A moins que le vrai tabou soit ailleurs et concerne plutôt la vacance du pouvoir et la succession de M. Bouteflika.