Depuis le discours du chef de l'Etat du 4 juillet, il est indiscutable que l'édifice constitutionnel subira de profonds changements. Le problème dans tout cela, c'est qu'il n'y a aucun consensus pour introduire de tels amendements à la Constitution et la peur de l'opposition que le pouvoir en place usera et abusera, de tous les moyens à sa disposition pour nous imposer une réforme constitutionnelle sur mesure et comme d'habitude, sont largement justifiés. Avant d'entrer dans le débat et pour nous éclairer, il est important de revenir sur l'histoire du constitutionnalisme pour nous situer et mieux comprendre les enjeux du futur. C'est au Moyen-Age qu'ont commencé le développement et l'expansion des constitutions, concrètement au Royaume-Uni avec la grande Charte (des sans terre) du roi Jean en 1215. Le constitutionnalisme moderne a commencé à l'époque des révolutions libérales au XVIIIe siècle avec les révolutions française et américaine (USA). La Deuxième Guerre mondiale — avec ses conséquences — a été déterminante dans le développement des constitutions et des droits de l'homme ; le constitutionnalisme est né comme réponse aux anciens régimes et à l'absolutisme. Le mot constitution a pour origine le mot latin cumestature (1), « cum » avec et « stature » établir. La constitution, c'est la norme fondamentale écrite — la majorité des constitutions du monde — ou non (Royaume-Uni, Canada et Israël) qui régit les droits et libertés des personnes et organise les pouvoirs et les institutions de l'Etat. Généralement, les constitutions se divisent en deux parties, la dogmatique et l'organique (2). La partie dogmatique définit le programme et les objectifs de la constitution ainsi que les principes et les valeurs sur lesquels elle s'assoit, tels que la démocratie, la participation, la justice et la défense des conditions de vie des citoyens. La partie organique s'occupe de l'organisation des institutions de l'Etat pour réaliser les objectifs exposés dans la partie dogmatique. Dit autrement, la constitution est un ensemble de règles légales et reconnues qui définissent la nature du régime, des institutions gouvernantes et des pouvoirs de l'Etat. En général, les constitutions démocratiques s'assoient sur deux piliers : a) Le fonctionnement, les limitations et le pouvoir de l'Etat. b) Les libertés et les droits des personnes dans l'Etat. Concernant notre pays, depuis l'indépendance à nos jours, le régime algérien a enfanté 4 constitutions et aucune d'elles n'a répondu ni aux aspirations de notre peuple ni aux exigences de leurs contextes. Avec les amendements à la constitution proposés, plutôt imposés par le pouvoir, on est sur le point d'en arriver à la 5e, c'est-à-dire une constitution pour chaque décennie, chose pas du tout sérieuse pour un pays qui se veut à l'avant-garde démocratique des pays du tiers-monde. L'argument avancé par le pouvoir pour amender la Constitution, c'est que la Constitution de 1996 a été conçue pour gérer une situation de crise ; et maintenant le moment est venu pour gérer l'après-crise et en finir avec la bipolarité qui caractérise notre régime. Pour commencer, je dirai qu'on n'a jamais une constitution à la hauteur des aspirations de notre peuple parce tout simplement, on n'a jamais eu la liberté de choisir et toutes les constitutions nous ont été imposées par la force ou par la propagande. Les arguments avancés par le pouvoir pour l'amendement de la Constitution sont peu crédibles, parce que derrière se cache la volonté du même pouvoir de s'éterniser et se perpétuer empêchant l'émergence de nouvelles élites qui peuvent lui faire de l'ombre. Actuellement, l'Algérie n'a pas de constitution à la hauteur de ses aspirations et à la hauteur des défis à relever du XXIe siècle. Par conséquent, il est urgent et souhaitable de convoquer une assemblée constituante et qui sera l'unique institution légitime pour rédiger une nouvelle constitution pour l'avènement de la IIe République ; tout autre mécanisme pour ne pas dire bricolage constitutionnel pour amender la Constitution est nul et non avenu et ne fera qu'accentuer la situation de crise permanente que vit notre pays. En ce qui concerne les arguments, avancés par le pouvoir pour nous imposer un régime présidentiel, nous allons faire une petite comparaison entre le régime présidentiel et le régime parlementaire, pour démonter les thèses des partisans de cette option politique et démontrer que le régime présidentiel est un régime qui n'est pas apte pour notre pays vu la nature du même régime et les penchants de certains de nos politicards à la dictature. Les origines du régime présidentiel remontent au XVIIIe siècle avec la naissance de la Constitution des Etats-Unis d'Amérique. Dans ce régime : Le Président concentre presque tous les pouvoirs entre ses mains (il accumule les pouvoirs du chef de l'Etat et les pouvoirs du chef de gouvernement). Les mécanismes de contrôle directs ou classiques et les mécanismes de révocation des mandats obtenus entre les pouvoirs sont absents. Le Parlement approuve les lois, mais n'a aucun contrôle sur le gouvernement. En conclusion, le régime présidentiel a tendance à instaurer l'absolutisme, ce qui est contraire au constitutionnalisme qui est né pour le combattre. En plus de cela, la plupart des démocraties sont parlementaires à part les Etats-Unis d'Amérique et quelques pays du tiers-monde, sans oublier la France qui a un régime semi-présidentiel. En ce qui concerne le régime parlementaire, celui-ci remonte à 1640 avec la naissance du 1er Parlement en Angleterre dans le palais de Westminster. Le régime parlementaire contrairement au régime présidentiel : Permet la plus grande représentation sociale du moment que la majorité des décisions doit être approuvée par consensus entre les factions politiques représentées au Parlement. Permet une meilleure capacité de réponse en situation de crise, pour changer l'exécutif à travers la motion de censure. A des fonctions de contrôle assez développées du moment qu'un organe du pouvoir peut révoquer le mandat de l'autre. Permet un équilibre entre les organes de l'Etat à travers la révocation mutuelle des mandats pour éviter l'hégémonie d'un organe sur un autre. Permet la collaboration entre les pouvoirs (exécutif, législatif, etc.) de l'Etat. Après cette brève comparaison entre le régime présidentiel et le régime parlementaire, il n'y a aucun doute que notre pays sortira bénéficiaire avec l'instauration d'une démocratie parlementaire et motivera les citoyens pour participer dans la gestion des affaires de leur pays, pour relever les défis de ce siècle et terminer avec cette crise permanente que vit notre pays. Si l'assemblée constituante est convoquée, il serait souhaitable qu'elle aborde entre autres les thèmes suivants : 1) Opter pour la démocratie parlementaire comme système politique. 2) Limiter et définir les pouvoirs du Président aux prérogatives suivantes Le Président assume les fonctions de chef d'Etat Ne peut remplir aucune fonction exécutive. Désigne le chef du gouvernement selon l'appui du Parlement. Signe uniquement les décrets et lois approuvés au Conseil des ministres. Remplit les fonctions protocolaires associées. Le Président sera élu indirectement par le Parlement. 3) Consacrer l'indépendance de la justice — le modèle anglo-saxon est l'un des plus indépendants au monde — en créant : Un conseil judiciaire indépendant pour protéger les juges des pressions internes et externes et veiller sur l'indépendance de la justice. Un tribunal constitutionnel indépendant pour veiller à l'application de la Constitution et résoudre les litiges et les recours que présenteront les citoyens face aux organes de l'Etat ou de ces derniers entre eux. 4) Créer un organisme indépendant permanent chargé de contrôler et de superviser tous les processus électoraux. 5) Consacrer la liberté de la presse et libéraliser le secteur de l'audiovisuel. 6) Reconnaître la diversité culturelle de notre pays et convertir cette diversité en facteur d'union et non de division. 7) Décentraliser l'Etat, en éliminant le pouvoir administratif et abusif des wilayas et des daïras et en réhabilitant les Assemblées populaires communales et de wilayas. 8) Garantir les libertés et les droits fondamentaux des citoyens, l'exemple de la Finlande concernant ce sujet est édifiant (voir la Constitution du 11 juin 1999 de ce pays) et peut inspirer notre future assemblée constituante si elle est convoquée. On en a marre d'être des sujets, on veut jouir de notre pleine citoyenneté. En définitive, la démocratie parlementaire ne fera que rendre à César ce qui lui appartient, c'est-à-dire réhabiliter les concepts de citoyen et citoyenneté, et permettre l'épanouissement et l'émancipation de notre peuple pour pouvoir édifier la IIe République. Une autre Algérie est possible. Notes de renvoi : 1) Encyclopédie libre : Wikipedia. www.wikipedia.com 2) Ibidem. L'auteur est DEA en didactique et organisation scolaire Doctorant à l'université de Valencia (Espagne) Membre de l'ONG Amnistie Internationale