Aussi passionnante soit-elle, la mission confiée aux cellules de protection des vestiges et du patrimoine historique et culturel national, dépendant de la Gendarmerie nationale, débouche sur un travail délicat et compliqué. Créés suivant un accord signé entre le ministère de la Défense et celui de la Culture et répartis sur les quatre principales régions du pays, ces groupes ont déjà suivi une formation de quatre mois dans les musées nationaux avec des sorties sur les sites archéologiques, islamiques et naturels. Une formation qui leur permettra d'identifier des objets archéologiques de valeur faisant l'objet d'un trafic à large échelle. Pour les trois éléments de la cellule du 5e commandement de la gendarmerie, il s'agira de ratisser une région riche en vestiges s'étendant des frontières tunisiennes jusqu'aux Hauts Plateaux où l'on retrouve des sites parmi les plus connus au monde, à l'image de Timgad, Djemila, Madaure, Hippone, mais aussi des vestiges dans les wilayas de Tébessa, Souk Ahras, Khenchela, Skikda et Jijel. Travaillant en étroite collaboration avec le bureau central pour la protection des pièces archéologiques à l'institut de criminologie d'Alger, la jeune équipe du 5e commandement cumule déjà à son actif plusieurs opérations d'investigation. Son premier coup a permis d'identifier une statue d'offrande au dieu Saturne, divinité romaine de l'agriculture et de la fécondité, découverte par hasard le 28 mars 2006 suite à une perquisition dans la maison d'un trafiquant de stupéfiants par la brigade de la gendarmerie de Tadjenanet. La pièce, d'un mètre de long portant des inscriptions en latin, d'une valeur inestimable, a été dérobée par deux inconnus le 12 novembre 2003 du musée de Djemila. Achetée pour une cinquantaine de millions de centimes par un agriculteur de la région, de surcroît trafiquant notoire de stupéfiants, elle devait être vendue à un ressortissant italien pour le montant de un milliard de centimes, selon les investigations menées par les services de la Gendarmerie nationale. Le 24 avril 2006, la brigade de gendarmerie de Merahma, dans la wilaya de Souk Ahras, a pu saisir, lors d'un contrôle routinier aux frontières, onze pièces romaines remontant à 242 après J.-C. ainsi qu'une pièce de l'empereur romain Gordianus (238-244 après J.-C.) dissimulées dans une voiture pour être acheminées et vendues en Tunisie. La cellule de protection du patrimoine suit toujours le dossier des 80 pièces archéologiques dont 40 sont imitées saisies le 2 février 2006 avec deux têtes achetées pour le montant de 200 euros, par la police des frontières de l'aéroport de Constantine chez un ressortissant français et dont l'examen d'authentification a été confié à un laboratoire spécialisé. En dépit de l'existence de la loi 98/04 du 15 juin 1998 portant protection du patrimoine archéologique, culturel et national, des centaines de pièces et d'œuvres d'art circulant grâce à des réseaux organisés activant sous le couvert du tourisme avec la complicité de certains commerçants locaux, comme cet antiquaire bien connu à Batna et chez lequel la brigade de gendarmerie de Timgad a découvert, le 6 juin 2006, onze pièces archéologiques dont l'identification est en cours. Pour Hassan, Fouad et Bilel, les trois membres dynamiques de la cellule de protection du patrimoine, il s'agit aussi de faire un inventaire de toutes les œuvres d'art réparties dans les établissements étatiques de l'Est algérien, répertorier et classer les sites archéologiques et préparer la carte archéologique de la 5e région en se basant sur le guide de Stéphane Gsell édité en 1982. Un travail qui sera une référence en la matière.