Le Maroc organisera le 27 novembre prochain le deuxième forum mondial des droits de l'homme à Marrakech. Au moment où des milliers de prisonniers politiques sahraouis croupissent dans les prisons du royaume. Une aberration. Vingt-deux prisonniers politiques sahraouis de Gdeim Izik, incarcérés à Salé, ont décidé d'entamer une grève de la faim le jour de la tenue du forum mondial des droits de l'homme à Marrakech. «Naâma Asfari et ses compagnons du groupe de Gdeim Izik ont décidé de profiter de la visibilité du Forum mondial pour s'inviter symboliquement à Marrakech, et ce, en observant une grève de la faim durant toute la période de ce séminaire», a indiqué Claude Mangin, l'épouse de Naâma Asfari, le célèbre prisonnier politique et défenseur des droits de l'homme sahraoui. Le même jour, plusieurs associations et ONG en solidarité avec le peuple sahraoui comptent battre le pavé à Marrakech, en organisant des sit-in pour dénoncer les violations des droits de l'homme au Sahara occidental et demander la libération de tous les prisonniers. A ce titre, des associations françaises de soutien aux Sahraouis ont décidé de marquer leur présence par «une grande mobilisation militante pour être les porte-parole des sans-voix». Claude Mangin, également présidente du comité au Val-de-Marne (France), Association des amis de la RASD, a invité tous les acteurs de la solidarité européenne à se déplacer à Marrakech durant ce forum mondial des droits de l'homme pour porter haut et fort la parole des prisonniers politiques sahraouis et marocains. Elle a adressé une lettre au président français, François Hollande, lui demandant de rappeler au royaume chérifien ses engagements internationaux en matière de droits de l'homme et notamment en matière de torture et de procès équitables, en l'exhortant à libérer immédiatement Naâma Asfari et ses coaccusés. Claude Mangin demande également le rejugement de ces prisonniers devant une juridiction civile, si les poursuites à leur encontre n'ont pas été motivées uniquement par leurs opinions politiques et leur militantisme en faveur des droits de l'homme et de diligenter une enquête sur leurs dénonciations de torture et de mauvais traitements. Des conditions épouvantables Cela étant, en dépit de nombreux rapports des organisations internationales de défense des droits de l'homme, le Maroc poursuit sa politique de répression contre la population sahraouie des territoires occupés. 52 militants sahraouis sont toujours incarcérés, dont les 22 de la prison de Salé (à Rabat) arrêtés en novembre 2010 après le démantèlement violent du camp de Gdeim Izik par les forces policières et militaires marocaines. Après leur détention pendant 28 mois dans des conditions épouvantables, ils ont été condamnés à des peines allant de 20 ans à la perpétuité, dans un procès qui s'était tenu devant un tribunal militaire, en violation du droit international et même de la législation marocaine. Et pourtant ce sont tous des civils, pour la plupart défenseurs des droits de l'homme, qui ne font que réclamer pacifiquement le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Aujourd'hui, la situation de ces prisonniers politiques est lamentable. «La plupart d'entre eux souffrent de plusieurs maladies suite aux mauvais traitements qu'ils ont subis durant leur incarcération», indique le président de l'Association des familles des prisonniers et disparus sahraouis (Afapredresa), Abdeslam Omar. Plusieurs Sahraouis sont d'ailleurs morts suite à des négligences et aux mauvais traitements dans les geôles marocaines sans qu'il y ait ouverture d'enquête. «Depuis 2013, 9 jeunes Sahraouis sont morts dans des circonstances douteuses, suite à la torture et à des conditions inhumaines de détention et manque de soins, dont le dernier en date est le prisonnier politique et défenseur des droits de l'homme, Hassana El Ouali, décédé le 28 septembre à la prison de Dakhla», ajoute Abdeslam Omar. L'Afapredesa suspecte que la mort de Hassana El Ouali était intentionnelle et appelle à une enquête indépendante et impartiale pour établir les faits et évaluer les responsabilités. Claude Mangin affirme de son côté : «Les 22 prisonniers politiques sahraouis qui sont à Salé (Rabat) souffrent de troubles physiques et psychiques suite aux tortures et ne sont pas soignés.» Rencontrée à Madrid, lors de la 39e Eucoco, l'épouse de Naâma Asfari atteste que «ces prisonniers gardent le moral, car ils ont acquis vraiment leur statut de détenus politiques, vu la manière avec laquelle ils sont traités en prison». «Ils sont dans des conditions épouvantables pour une durée indéterminée, puisqu'ils forment une carte politique dans les mains du roi », a-t-elle encore indiqué. A noter que l'Action des chrétiens pour l'abolition de la torture (ACAT France) a déposé le 20 février 2014 deux plaintes concernant les tortures subies par Naâma Asfari. «En France, nous avons, avec l'ACAT, déposé auprès des tribunaux français, au titre de la compétence universelle, une plainte contre le patron de la DST marocaine, Abdelatif Hammouchi, pour les tortures dont a été victime le militant sahraoui. Cette plainte a été reconnue recevable par la doyenne des juges françaises. Mais, depuis son dépôt, le 24 février 2014, toutes les relations judiciaires entre la France et le Maroc sont suspendues», précise Claude Mangin. Et d'ajouter : «La juge a envoyé 7 policiers devant l'ambassade du Maroc en France, à Neuilly, pour convoquer ce directeur de la DST afin qu'il soit entendu dans le cadre de cette affaire. Ceci a provoqué une grande colère du roi. Depuis, aucun avocat français ne peut aller au Maroc ni même des ministres pour une visite bilatérale.» Depuis, les relations bilatérales entre Paris et Rabat sont tendues.