Face à la grave détérioration de la situation humanitaire au Liban, le gouvernement italien ne cède pas aux pressions des Israéliens et des Américains et maintient une position lucide qui ne manque pas de dénoncer « la logique militaire israélienne qui suscite la haine dans le monde islamique ». A entendre les déclarations des membres du gouvernement de gauche de Romano Prodi, exprimant une courageuse position par les temps qui courent (solidarité avec les Arabes) et dépourvue de tout fanatisme pro-israélien et de toute servilité envers les Américains, la période du soutien inconditionnel à Israël prônée et suivie par le gouvernement de Silvio Berlusconi semble désormais une malheureuse parenthèse qu'aucun gouvernement arabe ne regrettera et sur laquelle il vaut mieux ne plus s'attarder, vu l'accélération dramatique des évènements dans la région du Moyen-Orient. Sans entretenir les mêmes liens historiques solides et sans avoir les intérêts économiques substantiels qu'ont leurs voisins français avec le pays du Cèdre, les Italiens, par la voix du nouvel exécutif, ont eu, dès le début de cette crise, une attitude équilibrée mais régulièrement ponctuée de dénonciations et de réprimandes adressées au gouvernement de Ehud Olmert qui, fort du soutien aveugle des Américains, ne s'adresse désormais plus aux Européens que pour dicter ses desiderata. Le chef de la diplomatie italienne Massimo d'Alema a effectué une mission en Israël où il s'est entretenu avec le chef du gouvernement Ehud Olmert. Après y avoir de nouveau croisé la meilleure alliée de Tel-Aviv, la Rice, il en est revenu avec les mêmes convictions. A savoir, « d'abord un cessez-le-feu immédiat, ensuite l'envoi d'une force internationale de stabilisation pour soutenir le gouvernement libanais ». A Al Qods occupé, d'Alema était allé plus loin en déclarant que « si Israël voulait poursuivre cette guerre, la communauté internationale ne comptait pas la suivre sur ce chemin ». Le ministre des Affaires étrangères italien estime que « Israël n'est pas menacé uniquement d'un conflit avec les Arabes mais également par une poussée islamique, de plus grande envergure due aussi à la guerre en Irak ». Dans un entretien publié par le quotidien turinois, propriété de la famille Agnelli, patronne de Fiat, La Stampa, d'Alema révèle : « Les leaders arabes nous disent qu'au sein de leurs populations on regarde de plus en plus à l'Iran comme au bastion de la dignité du monde islamique. Nous sommes en train de sous-estimer les risques que nous avons en face de nous. L'idée qui veut qu'après l'Irak, il eut un effet positif pour les démocraties au Moyen-Orient, s'est révélée erronée par rapport au risque, toujours plus grand, d'un conflit entre Occident et Islam. » Pour sa part, le vice-ministre des Affaires étrangères, chargé des relations avec le Moyen-Orient, Ugo Intini, qui fut très proche de Bettino Craxi et fut son porte-parole durant les gouvernements socialistes, réitère cette position du gouvernement Prodi et se dit contre l'envoi d'une force militaire d'intervention au Liban, comme le souhaitent les Israéliens. « Il ne peut y avoir, dans cette région, une intervention sur le modèle de celle de l'Otan en Afghanistan. Il faudrait envoyer une force internationale qui se caractérise par une nette neutralité envers Israël et envers le monde arabe. N'oublions pas que la partie en cours se joue presque plus sur la propagande que sur le véritable plan militaire. Et les dégâts, malheureusement, se sont déjà produits : les Arabes modérés font l'objet d'une forte pression », affirme Ugo Intini, dans l'édition d'hier, du quotidien Il Corriere Della Sera. Le président de la commission des Affaires étrangères à la chambre des députés (ancien secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères à l'époque du gouvernement d'Alema), Umberto Ranieri, est lui aussi de cet avis et affirme qu'une force de peace-keeping (et non d'intervention) ne sera dépêchée au Liban qu'après l'entrée en vigueur d'un cessez-le-feu. Ranieri invite, par ailleurs, le gouvernement de Ehud Olmert « à réfléchir sur un fait indiscutable, autrement dit la souffrance des civils qui alimente la haine envers Israël et met en crise les gouvernements des pays arabes modérés ». Le député du parti de l'Olivier souhaite toutefois une médiation de la Syrie, qui pourrait, selon lui, avoir « une attitude positive dans la solution de la crise ».