La remise sur les rails du projet de la révision constitutionnelle, sans préciser son agenda, suscite des commentaires de la classe politique. Cela intervient au moment où le pouvoir donne l'impression d'avoir abandonné l'unique projet sur lequel est bâtie l'idée du quatrième mandat. L'annonce de la révision constitutionnelle faite, avant-hier, par Mohamed Ali Boughazi qui a lu un message du président Bouteflika est interprétée comme une réaction à un fait : la demande d'une élection présidentielle anticipée émise par l'opposition et les rencontres initiées par une délégation de l'Union européenne (UE) avec des partis politiques en Algérie.C'est ce que pensent, en tout cas, les partis politiques faisant partie de la CNLTD et de l'Instance de suivi et consultation de l'opposition (ISCO). «Nous sommes face à une réaction de panique face à l'agenda et aux exigences de l'opposition. Cette sortie du chef de l'Etat à travers son habituel exercice épistolaire en cette période renseigne sur une tension intenable et grandissante en haut lieu. Bouteflika et son système sont à bout de souffle et toutes leurs initiatives sont vouées à l'échec», affirme Athmane Mazouz, chargé de communication du RCD. Selon lui, la révision de la Constitution «doit intervenir, comme l'a réaffirmé l'opposition après l'installation d'une instance indépendante et permanente de la gestion des élections, suivie d'une élection présidentielle anticipée». Le RCD met en doute aussi «l'idée d'une Constitution consensuelle prônée». Et d'ajouter : «Qui peut encore croire à un homme dont le pays a connu, sous son règne, l'une des dérives les plus monumentales après le coup d'Etat constitutionnel de novembre 2008, consacrant une personnalisation abjecte du pouvoir ? A lire le discours prononcé par son conseiller, on saisit clairement l'illusion et la navigation à vue d'un système condamné par l'histoire. L'opposition algérienne, dans sa plus grande majorité, a clairement affiché sa vision pour une Constitution consensuelle et pérenne qu'elle souhaite donner au pays. Et puis, de quel consensus veut parler le chef de l'Etat, alors que l'écrasante majorité de la classe politique rejette toutes ses projections et lui dénie avec force toute légitimité et rappelle avec insistance la vacance du pouvoir ?» Athmane Mazouz qualifie la sortie de Bouteflika de «supercherie de plus visant à détourner l'opinion sur les exigences de l'heure et l'urgence d'une transition politique qui évitera le chaos à la nation». Même analyse faite par le président de Jil Jadid, Soufiane Djilali. Selon lui, l'annonce faite à travers la lecture d'un message du Président est une réaction à la demande de l'ISCO d'organiser une présidentielle anticipée. «De plus, il y a eu cette rencontre avec l'UE. Le pouvoir panique et réagit, comme d'habitude, dans une rencontre avec des étrangers. Mais dans cette réaction, les responsables du régime se sont trompés de copie et ont rediffusé le même message que celui d'avril 2011», explique-t-il. Pour lui, le mot «sérieusement» employé dans le discours de Bouteflika «trahit encore les responsables du régime qui viennent d'avouer ainsi que ce qu'ils faisaient auparavant c'est des aventures». Pour les partis au pouvoir, le RND et le FLN en l'occurrence, l'annonce présidentielle «confirme la démarche sage du chef de l'Etat». «Le président de la République précise qu'on va réviser la Constitution, mais pas dans la précipitation. Il (Bouteflika, ndlr) a consulté les rapports sur les consultations et veut aller vers une révision profonde de la Constitution», estime Nouara Saâdia Djaâfar, chargée de communication au RND. Selon elle, l'Algérie «a traversé avec succès plusieurs étapes douloureuses et il était temps de consolider ses institutions». «On a construit des institutions et on ne peut pas aller vers une période de transition qui réduira à néant tout cela», lance-t-elle. De son côté, le FLN estime que «le pouvoir a accordé le temps nécessaire pour réaliser un consensus autour de ce projet». «Le Président a raison dans sa démarche. Depuis son discours de 2011, plusieurs actions ont été entreprises pour recueillir les propositions de toutes les composantes de la société (…). Les attitudes irresponsable de certains partis ont retardé la révision de la Constitution», déclare Saïd Bouhadja, chargé de communication au FLN. Selon lui, «il faut que le projet de la Constitution soit présenté au Parlement». «Nous voulons une Constitution pérenne qui traduit la réalité algérienne. Nous ne voulons pas des lois dictées de l'étranger», ajoute-t-il. Les responsables des deux partis au pouvoir avouent, implicitement, que l'annonce de la révision de la Constitution vise à barrer la route à l'idée de la transition demandée par l'opposition.