Pompes d'essence fermées, pannes d'électricité, coupures répétées d'eau, le quotidien des Beyrouthis poursuit sa descente aux enfers suite au blocus israélien et aux frappes aériennes et maritimes ciblant les infrastructures énergétiques et les voies d'approvisionnement. À travers le pays, des stations d'essence sont fermées. De nombreuses stations dans la Bekaâ (est) et au Liban-Sud ont été bombardées par l'aviation israélienne. Les raids israéliens visant les camions ont également aggravé la pénurie. Le Liban pourrait faire face à une pénurie d'ici une semaine s'il n'est pas approvisionné, a prévenu le premier ministre Fouad Siniora. En attendant, dans les quelques stations encore ouvertes, la distribution est rationnée à dix litres par personne et par jour. L'armée et la police libanaises ont effectué plusieurs descentes dans certaines stations d'essence de Beyrouth soupçonnées de spéculer sur le prix du carburant et de n'ouvrir que quelques heures la nuit pour accentuer la pression de la demande. Le prix au litre, stabilisé autour de 1000 livres libanaises depuis le début de l'agression, devra connaître une hausse à 1500 L.L. dans les prochains jours. Le ministre de l'Energie et de l'Eau, Mohammad Fneich, a publié un arrêté imposant aux stations d'essence des horaires d'ouverture allant de 7 heures à 17 heures. Au-delà, il est strictement interdit de vendre de l'essence, comme il est désormais prohibé de vendre de l'essence en bidon, une pratique qui s'est largement répandue la semaine écoulée. Aussi, les stations doivent écouler toutes les quantités obtenues durant les horaires d'ouverture. Deux bateaux, chargés l'un de 30 000 tonnes de fioul et l'autre de 50 000 tonnes de mazout, affrétés par une société hollandaise et provenant d'Algérie, attendent depuis trois jours à Chypre pour accoster au Liban, Israël refusant d'autoriser leurs passages. Le Liban se dirige vers une grave crise de carburant, ce qui paralyserait l'ensemble du pays, notamment les hôpitaux. La cargaison de mazout est, en effet, destinée à la centrale de Baddawi et celle de fioul à la centrale de Zouk. La société étatique Electricité du Liban (EDL) a imposé un rationnement draconien de la distribution du courant. Selon une nouvelle estimation officielle de mercredi 2 août, les dégâts provoqués par les bombardements au Liban sont estimés à 2,5 milliards de dollars, et au moins trois ans seront nécessaires à la reconstruction des infrastructures et des habitations. Pour des politiques libanais, la situation actuelle prépare une crise sociale majeure dont l'élément explosif est les 900 000 déplacés des zones sinistrées. Le Liban a déjà dû dépenser près de 6 milliards de dollars pour la reconstruction après 15 ans de guerre (1975-1990), deux invasions israéliennes en 1978 et 1982 et des frappes aériennes israéliennes en 1993 et 1996. A noter que le coût de la reconstruction sera 40% plus cher que par le passé en raison de l'augmentation du prix des matières premières. Il faudra, selon des sources officielles, deux à trois ans pour réhabiliter les infrastructures et plus longtemps pour les habitations. Ceci sans oublier le sinistre qui frappe de plein fouet les secteurs vitaux du Liban, le tourisme et le commerce, principales sources de revenus du pays. Les grosses fortunes d'Arabie Saoudite, du Koweït et des Emirats arabes unis, qui avaient été à l'origine du boom immobilier beyrouthi, sont tentées de se retirer. Avant la guerre, le Liban était aux prises avec un lourd déficit public, supérieur à 35 milliards de dollars, soit 180% du PIB. Aujourd'hui, face à une crise humanitaire grandissante, la réduction de la dette publique n'est plus une priorité.