La baisse des recettes des hydrocarbures, conséquence directe de la chute des cours du pétrole, ne laisse pas trop le choix au gouvernement, qui sera ainsi obligé, à longue ou brève échéance, de revoir sa «copie budgétaire» à l'instar de certains pays membres de l'OPEP dont la situation économique est proche de celle de l'Algérie. Quelle attitude adopter face à une tendance baissière des prix du pétrole aux conséquences dangereuses, à long terme, sur les dépenses du gouvernement ? Au plan budgétaire, si cette chute se poursuit, les experts s'accordent à dire que les marges de manœuvre des pouvoirs publics sont limitées et se résument à des choix de dépenses publiques qu'il faudra faire à moyen et long termes. Bien que la situation soit on ne peut plus inquiétante, voire stressante, il est d'abord recommandé, face à une conjoncture pareille, d'avoir une attitude de «stress positif». Pour l'expert financier, Abderrahmane Benkhalfa, cette attitude consiste à se dire : «Comment doit-on faire pour diminuer les dépenses lourdes qui impactent l'avenir et qui n'ont pas de retour sur investissement, notamment dans le secteur des infrastructures, et les remplacer par d'autres moins lourdes et plus rentables, notamment dans l'industrie, l'agriculture et l'économie en générale ?» Théoriquement, tant qu'il n'y a pas de choc frontal et que les cours du brut ne sont pas descendus au-dessous de 60 dollars le baril, les pouvoirs publics doivent opter, d'ores et déjà, pour une stratégie qui consiste à «se tourner vers la meilleure façon d'optimiser les retours sur investissement de l'argent du pétrole», souligne M. Benkhalfa. «Il y a toujours une marge de manœuvre à exploiter», dit-il, mais l'Etat devrait avoir «une sensibilité très forte sur les gains qu'il tire de l'épargne du pétrole». Tout en insistant sur la nécessité d'imposer toute la prudence en matière de dépense, M. Benkhalfa estime que lorsque les prix du pétrole commencent à avoir une tendance baissière durable, il faut prendre des précautions afin de ne pas engager des dépenses pour des projets à très long terme, soit sur une période de plus d'une année ou deux : «Les dépenses consacrées aux projets à long terme auront un impact important sur la dépense publique, sans que l'on sache quel sera le niveau des recettes à venir. C'est pourquoi qu'il faudrait les engager avec beaucoup de précautions, pour ne pas hypothéquer les recettes qui sont déjà fragilisées.» Il ne s'agit pas seulement, selon lui, «de moins dépenser», mais surtout «de faire en sorte, qu'à la fois l'épargne déjà cumulée et celles qu'on continuera à cumuler sur les prix du pétrole soient dirigées, non seulement, vers les dépenses publiques, mais surtout vers l'investissement générant des revenus». Les pertes, qui seront endossées en raison d'un pétrole moins cher que d'habitude, «seront ainsi amorties par des investissements productifs et rentables, pour peu qu'ils ne soient pas à consonance sociale ou à dimension infrastructurelle», ajoute l'expert. Plus concrètement, Lyès Kerrar, financier et directeur général de Humilis, affirme qu'il faut un prix à 125 dollars le baril pour parer aux dépenses prévues dans la loi de finances 2015. Selon lui, «si la tendance baissière persiste, le déficit est inéluctable». Le Fonds de régulation des recettes (FRR) continuera donc à colmater le déficit budgétaire. «Le recours au FRR est devenu systématique depuis déjà quelques années, et on continuera à puiser dedans, mais cette fois-ci de manière plus accentuée», estime M. Kerrar. Les réserves de changes, quant à elles, ne sont sollicitées que «si la balance des paiements devient négative». Concernant l'aspect strictement budgétaire, l'expert pense qu'il faudra «prendre des décisions et faire des arbitrages». Habituellement, «ce sont généralement les budgets des équipements et des investissements qui sont concernés par des coupes. Cela est politiquement plus facile à faire dans l'immédiat, que de toucher aux dépenses de fonctionnement», explique-t-il. Mais à moyen et long termes, il faudrait «revoir les budgets pour identifier ce qui est plus efficace et rentable et ce qui ne l'est pas. Il faut continuer à développer l'économie nationale et pour cela il faut s'assurer que ce qui est investi dans l'économie est efficace et bien utilisé», conclut-il.