Je n'ai pas donné l'ordre de tirer sur les manifestants.» C'est la réponse de Ali Bouguerra, wali de Ouargla, à l'interrogation de la presse qu'il a conviée lui-même à une conférence, hier en fin de matinée. Le premier magistrat de la wilaya, a souligné qu'il avait reçu les représentants des protestataires de Draâ El Baroud quelques semaines plus tôt et leur avait envoyé des invitations à revenir à son bureau le samedi 29 novembre, soit le lendemain des violences qui ont secoué la localité de Nezla, dans la daïra de Touggourt. M. Bouguerra ne s'attendait visiblement pas à la tournure prise par les événements, étant à la tête de la capitale de la contestation des chômeurs et qui gère au quotidien les blocages de route et des séquestrations de citernes d'hydrocarbures. Le wali a déclaré : «L'enquête prouvera que j'ai réquisitionné la force publique pour lever l'obstruction de la RN3, ce qui est de mon ressort.» C'est donc le chef de sûreté de la daïra de Touggourt, suspendu samedi à titre conservatoire par Tayeb Belaïz, qui écope de la lourde responsabilité de la répression musclée de la police, de l'usage excessif de la force et des tirs qu'on dit à balles réelles. Le wali a d'ailleurs souligné que les données analysées par la commission de sécurité de la wilaya ont conclu à des «dépassements», comparativement à d'autres interventions similaires dans une wilaya figurant en bonne place sur le podium des sept zones les plus touchées par les mouvements de protestation. Abordant les circonstances ayant prévalu à l'escalade des violences de Draâ El Baroud, le wali avance que «l'enquête administrative et judiciaire ouverte par le ministère de l'Intérieur rendra publics ses résultats, elle déterminera les circonstances des faits, les responsabilités et les sanctions à prendre». Ali Bouguerra a rappelé que les mesures conservatoires prises par Tayeb Belaïz englobent également la suspension du chef de daïra, en abandon de poste depuis plusieurs mois et qui vient d'être remplacé par son homologue de la daïra voisine de Meggarine. Interrogé sur la chronologie des faits et sur la tournure prise par les affrontements, le wali a assuré que «ce n'est pas la bavure d'une personne. L'Algérie est forte de ses institutions républicaines. Je concède qu'il y a des améliorations à faire tant sur le plan de la ressource humaine que sur celui de la communication institutionnelle. Nous sommes interpellés en tant que société par ce phénomène de contestation qui prend des formes de plus en plus radicales». 3 morts et 52 blessés Le bilan des violences fait état d'une troisième personne décédée dans la soirée de dimanche, venue allonger la liste des victimes des affrontements avec les forces de l'ordre. Au moment où Meftah Toumi et Noureddine Malki étaient inhumés au cimetière Sidi Boujenane, Mohamed Bensaadi, âgé d'une trentaine d'années, rendait l'âme à l'hôpital Slimane Amirat de Touggourt des suites de ses blessures. Des sources sanitaires affirment, par ailleurs, que la femme transférée à l'hôpital de Batna serait tirée d'affaire ; l'extraction de la balle qui s'était logée dans son cou s'est bien passée. Son état se serait stabilisé, ajoute notre source. Le wali a signalé l'état critique d'une cinquième victime, transférée à l'hôpital d'El Oued. M. Bouguerra a annoncé également la sortie après soins de 44 blessés ayant transité par l'hôpital de Touggourt, et de quatre autres dont l'état est stationnaire. Dans un autre volet, les 17 personnes arrêtées vendredi dernier ont été relâchées samedi soir en signe d'apaisement. Autre signal fort : la remise de chèques d'un montant de 700 000 DA aux familles des défunts à la situation précaire, les clés de logements sociaux leur seront remises dans les jours à venir. 3835 lots de terrain distribués en urgence Pour ce qui est des lotissements sociaux, objet de la contestation qui a tourné au drame, le wali a affirmé que le programme gouvernemental mis en place depuis mai 2014 a permis l'identification et l'étude de terrains ainsi que l'établissement de premières listes de bénéficiaires. Tout en soulignant le déroulement normal de l'opération dans les communes de Taibet, Mnogueur, Bennaceur, Hassi Ben Abdallah, El Alia et El Hadjira, le wali ne conteste pas le fait que les événements de Touggourt ont accéléré le processus qui a donné lieu au lancement, ce dimanche, de l'attribution des décisions administratives de localisation des terrains pour 3835 lots. Un délai butoir fixé au 31 décembre 2014 a été fixé pour la finalisation de l'octroi des décisions administratives des 16 835 lots programmés dans la première tranche. Les contestataires de Nezla se sont vu décerner une seconde tranche du programme. «L'engouement de la population pour la formule de l'habitat rural et l'autoconstruction est désormais un choix stratégique pour la wilaya de Ouargla.» Il est regrettable qu'il y ait eu mort d'homme pour que les pouvoirs publics décident l'annulation du système des quotas communaux et la mise en place d'un système ouvert où l'attribution de terrains prend en considération la demande réelle formulée par la population. Le wali a fait montre de sa détermination à mener à bien la mission de pompier qu'il assume depuis son installation à la tête de cette wilaya, en février 2013, dans le sillage de la contestation des chômeurs. La mort de Meftah, Noureddine et Mohamed aura servi à revoir la réalité territoriale et les besoins fondamentaux des populations, y compris celles rurales. L'octroi de terrain tiendra désormais compte de deux critères : la justification de résidence du demandeur dans la commune concernée et la non-attribution d'un logement ou d'une aide à l'habitat. Ce programme complémentaire concerne cinq des 21 communes que compte la wilaya, où une forte demande s'est faite ressentir, alors que les autres communes ont bouclé leur programme à temps et satisfait la totalité des demandeurs, a précisé le wali, qui a ajouté que le programme des lotissements reste globalement ouvert à Ouargla et dépendra des besoins exprimés.