Sans polémique, sans même prononcer une seule fois le nom du président Abdelaziz Bouteflika, des ex-candidats à la présidence de la République ont tenté ce week-end, lors de l'université d'été du RCD, tenue à Matarès (Tipasa), de procéder à un diagnostic du fameux 8 avril 2004. Et de réfléchir aux moyens de redéployer l'opposition, qui semble encore tétanisée par les scores de l'élection présidentielle. Placée sous le thème « Développement et Libertés », la rencontre s'est révélée être une véritable tribune d'exorcisme pour Ali Benflis, Sid-Ahmed Ghozali et Saïd Sadi. Si l'ex-secrétaire général du FLN s'est contenté pour sa première sortie publique d'un discours pédagogique très succinct, refusant de répondre aux questions des journalistes, le patron du Front démocratique (FD, parti non agréé) n'a pas hésité à faire son mea culpa, alors que le président du RCD a fermement défendu ses positions, faute de choix, a-t-il précisé. De nombreuses personnalités, dont des ex-candidats à la candidature ou à la présidentielle, ont toutefois manqué à l'appel. Il s'agit essentiellement de Mouloud Hamrouche, Ahmed Benbitour, Rachid Benyellès, Ali Haroun, Mohamed Saïd, qui représente d'Ahmed Taleb-Ibrahimi, qui devaient animer des conférences. Des défections ayant suscité les commentaires les plus divers parmi l'assistance. Elles relancent à juste titre le poids et le rôle de l'opposition en Algérie, particulièrement les partis du pôle démocratique atomisé. D'autant que les islamo-conservateurs font main basse aussi bien sur l'Exécutif que sur l'Assemblée populaire nationale (APN), la chambre basse, où l'opposition se réduit à El Islah, un parti de la même mouvance, et au Parti des travailleurs (PT). Se disant lucide, Sid-Ahmed Ghozali a dressé un constat sans complaisance sur la situation : « Le pôle démocratique n'existe pas. » Un pôle qui manque de poids, a-t-il estimé, vu son manque d'ancrage dans la société, mais parce qu'il ne dispose pas non plus des « attributs de l'opposition » dans un pays où « on ne reconnaît pas le rôle des partis ». M. Ghozali a appelé les acteurs politiques du pôle en question à travailler ensemble, sans se focaliser sur une échéance électorale précise. « C'est un travail à long terme, l'essentiel est de travailler ensemble. Cela débouchera forcément sur quelque chose. Un forum ? Un mouvement politique ? Je ne peux aujourd'hui répondre à cette question, mais il faut y aller », nous a-t-il souligné en marge de la conférence. Tirant les leçons de la recomposition du champ politique, le RCD adopte une position plus conciliante. Disposé désormais à négocier avec les partis du courant islamiste une idée inconcevable pour lui il y a peu, Saïd Sadi a estimé que les problèmes qui accablent la nation dépassent les préoccupations strictement partisanes et que le débat idéologique reste possible. Dans le pôle démocratique, peu nombreux sont ceux qui continuent à s'inscrire dans la ligne exclusivement éradicatrice. Tout comme Sid-Ahmed Ghozali, Saïd Sadi estime que le changement ne peut venir de l'intérieur du système, particulièrement depuis le 8 avril 2004. « Désormais, et c'est salutaire pour l'avenir de la nation, chacun sait qu'il n'existe pas de structure ni de relais organisé dans le système actuel pour initier ou accompagner une évolution en faveur du changement (...). La désillusion de la présidentielle aura été bénéfique. Plus personne ne croit à une initiative du Pouvoir ou de l'une de ses composantes pour engager une politique de développement fondée sur la liberté », a souligné M. Sadi dans son discours inaugural. Autre baromètre sur la nouvelle position du RCD, le code de la famille. « Entre le refus obstiné de voir des concessions significatives et la volonté de river l'Algérie dans un immobilisme spécifique il y a matière à évaluer sereinement un dossier qui implique arithmétiquement la moitié du peuple et qui engage politiquement le destin algérien dans son ensemble », a indiqué M. Sadi. L'après-8 avril 2004 paraît avoir replacé la scène politique algérienne dans un contexte complètement nouveau.