C'est un Saïd Sadi des grands jours qui s'est présenté jeudi à l'université d'été de son parti, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), qui s'est tenue à l'hôtel Matarès de Tipasa. Il est au four et au moulin. Le visage souriant, le geste alerte, il ne cesse d'aller d'un convive à un autre. Et quels convives ! Il y a Ali Benflis, Sid Ahmed Ghozali, Karim Younès, Sofiane Djillali, etc. Tous les regards sont braqués sur les vedettes du jour. Certes, des personnalités comme Mouloud Hamrouche, Ahmed Benbitour, Rachid Benyellès, Ali Haroun, qui ont pourtant toutes donné leur accord pour la participation, ont fait faux bond. Mais la fête n'est pas pour autant gâchée. Bien au contraire. Du beau monde y est présent. Notons la présence de Louisette Ighil Ahriz, Salah Boubnider, Abdelaziz Derouaz, ex-ministre de la Jeunesse et des Sports, etc. Dans son allocution d'ouverture, Saïd Sadi n'a pas manqué de revenir sur la dernière élection présidentielle. “Tout le monde convient que l'élection du 8 avril constitue un point de rupture dans la vie politique nationale. Désormais, et c'est salutaire pour l'avenir de la nation, chacun sait qu'il n'existe pas de structure ni de relais organisé dans le système actuel pour initier ou accompagner une évolution en faveur du changement”. Et d'ajouter : “Plus personne ne croit à une initiative du pouvoir ou de l'une de ses composantes pour engager une politique de développement fondée sur la liberté et la transparence”. Sa conclusion, Sadi l'a consacrée à la nécessité d'une moralisation de l'action politique. “La ligne de démarcation dans la vie politique algérienne ne peut plus échapper à ce qui se dessine, chaque jour davantage, comme une évolution universelle : les délimitations politiques, aujourd'hui ne peuvent plus être réductibles à la seule différenciation idéologique. La vraie frontière sépare ceux qui ont une vision éthique de l'exercice et ceux qui en font un usage de prédation. La crise algérienne est d'abord une crise de valeurs, les politiques qui veulent regagner la confiance de leurs concitoyens sont condamnés à remporter le challenge de la moralité”. Le speech du président du parti fini, débute alors la conférence tant attendue : “Algérie/Crise de régime ou impasse du système ?” Animée par Ali Benflis, Sid Ahmed Ghozali, Sofiane Djillali et Saïd Sadi, elle a été d'une bonne facture. Le premier à prendre la parole, Ali Benflis — il ne semble pas tout à fait remis de la débâcle du 8 avril —, s'est contenté de quelques généralités. “En tant que militant des libertés, je ne pense pas qu'il puisse y avoir de développement sans les libertés. Mais le problème qui se pose est celui de leur exercice”. Aussi, a-t-il plaidé pour un système politique où les pouvoirs sont rigoureusement séparés. Pour sa part, Djillali Sofiane a mis l'accent sur la nécessité pour le pays de se doter de contre-pouvoir, d'une opposition “forte de ses positions et de sa cohésion”. Il estime aussi que “depuis le 8 avril, le régime veut s'orienter vers la prise en main générale de la société, vers l'instauration d'une classe politique artificielle”. Et arrive le tour de Sid Ahmed Ghozali de prendre la parole. L'essentiel de son intervention, il l'a consacré à la dernière échéance électorale en estimant que ceux qui y ont participé doivent faire leur mea-culpa. “Nous avons tous souhaité que ce fut une échéance qui donne pour la première fois l'occasion au pays de faire un premier pas dans le sens de la refondation de l'Etat. Le 8 avril a été la reconduction par d'autres moyens de pratiques passées, c'est-à-dire on a montré que ce système refusait définitivement de s'amender…” Et d'ajouter : “Au lieu de se contenter d'accuser les autres, il faut que nous acceptions de nous remettre nous-mêmes objectivement en question et dire que nous nous sommes trompés. Nous nous sommes trompés en croyant pouvoir convaincre ce système de la nécessité de faire un premier ou deuxième pas dans le sens du changement fondamental… Il va falloir maintenant se résoudre à le faire en dehors du système. On s'est trompé car nous sommes tombés dans le piège, sans le vouloir, d'agir séparément. La démarche que nous avons choisie est un échec. Nous nous sommes trompés aussi bien au stade de l'analyse mais aussi au stade de la démarche”. Quant à Saïd Sadi lui aussi s'est attardé sur la même échéance. À ceux qui ont critiqué sa participation à cette élection, il a rétorqué “est-ce que, honnêtement, il y avait possibilité de faire autrement ? Il était difficile de renoncer à explorer des pistes qui s'ouvraient devant nous”. La lecture qu'il en a faite est que “définitivement une évolution ordonnée accompagnée de l'intérieur a été condamnée par le 8 avril”. S'il est d'accord pour une certaine remise en cause, il refuse obstinément de sombrer dans le désespoir, le renoncement ou le dépit. Pour lui, l'intégrité est un critère décisif dans tout regroupement d'hommes politiques. Et d'asséner : “J'aurais plus de disponibilité à m'asseoir avec un islamiste dont je sais qu'il est animé par des convictions, parce que je sais ce qui me sépare de lui… plutôt qu'à m'engager avec des gens qui pérorent au nom de la démocratie et dont on voit dans leur action quotidienne que l'exercice politique n'est que ruse et rapine.” Pour lui, c'est clair que “nous sommes devant une impasse du système politique”. A. C.