Pour ammi Moh, le mastroquet, c'en est trop. Lui qui s'enorgueillit d'appartenir à ceux qui ont occupé, les premiers, Staouéli. Cette ville, située non loin de ce que fut le domaine du gros colonat, ne reconnaît plus les Staouéliens. A l'entendre, rien n'est plus comme avant. Du Staouéli d'autrefois, il ne reste que quelques habitations décaties auxquelles se sont ajoutées, durant la dernière décennie, des constructions laides et qui rivalisent en hauteur et en horreur. « Nous sommes les premiers à nous lever, dit-il, et les derniers à fermer boutique. » Bien qu'il ait toujours ses « habitués », des besogneux des haouchs alentour pour l'essentiel, le bouiboui, situé à la rue Hadjarès ne peut, soutient-il, faire concurrence aux autres établissements in. L'été apporte avec lui une note de gaieté insoupçonnée à cette commune qui se fait oublier le restant de l'année, nous dira Amine, jeune qui dirige une troupe théâtrale à la maison de jeunes Moufdi Zakaria Proposant des films rococo, la salle de cinéma, à l'aspect baroque, accueille pour deux séances, les jeunes désœuvrés. Ceux-ci écument la place où trônent des dauphins et une stèle d'un Barberousse à la posture placide. Pour ceux détestant cette ambiance, la mer n'est qu'à 2 km. Plus loin, nous apparaît la rue Gaci Ahmed (Paris pour les Staouéliens pure laine). Laquelle devient, à partir de 19 h, piétonnière. Point de tacots, rien que des chevaux grimés. Grill-room et salons de dégustation des glaces s'y disputent l'espace. Les senteurs vous agressent les narines dans un crachotement de musique. 18 h. Les terrasses (des trottoirs !) des salons de glaces et les grill-room commencent déjà à se remplir. « On y vient, dira Ahcène, disquaire, dont l'échoppe est prise en sandwich entre deux grills, de partout, essentiellement des communes alentour. » Les menus variés ne sont pas pour les premiers venus. Délier sa bourse reste, ici, la règle. Toutefois, les familles, dont la bourse est plate, ne s'y hasarderont certainement pas. Devant des échoppes, les glaces sont cédées entre 25 et 50 DA. Des personnes s'y bousculent, voulant chacun se servir le premier. Dans les salons, des variétés de glaces et de sorbets sont proposées. Les Cristal, Igloo et El Manar se dépassent en ingéniosité. A la Flamme d'or, une rôtisserie bien réputée, située dans une rue adjacente, on « défend ses prix » Jugez-en : les salades sont proposées entre 80 et 120 DA. Les brochettes, accompagnées d'un plat garni, sont cédées entre 450 à plus de 500 DA. Les prix des boissons varient entre 30 et 100 DA. A ceux qui y vois de la « rapine », les gérants rétorqueront que le lieu offre tous les conforts à ceux qui s'y rendent. De plus, les familles n'y sont pas importunées, argue-t-on. Les gérants — du moins ceux qui ont été approchés — jugent que la saison est celle « des vaches maigres ». Et à chacun d'eux d'y aller de sa propre « exégèse ». Cette désaffection s'explique par la peur du retour de l'hydre intégriste. Les coupures d'électricité et les parkings qui pullulent ne sont pas pour arranger les « choses ». « Les gens n'ont commencé à affluer qu'avec la fin de la Coupe du monde. Il y viennent à partir de 20 h. Les commerçants ne baissent rideaux, le mercredi et jeudi, que vers deux heures du matin. » La vingtaine à peine entamée, Nabil, polaroïd en bandoulière, se fait accompagner par son adjoint Pipip. Terminant leurs besognes, plus de 2000 DA en poche, les deux « Rémy » louent les services d'un « clando » qui les transporte à une buvette du parc zoologique.