Liberté d'association et d'expression, indépendance de la justice, protection de la femme et abolition de la peine de mort… Ces questions des droits de l'homme restent toujours en suspens en Algérie. Le pays adhère à la Déclaration universelle des droits de l'homme et a ratifié toutes les conventions internationales concernant le sujet, mais reste toujours le mauvais élève en la matière. Pis encore, l'Algérie avance à reculons dans le domaine de la protection et de la promotion des droits de l'homme. Ce constat habituel est réitéré à l'occasion du 66e anniversaire de la Déclaration internationale des droits de l'homme par des militants, professeurs et experts qui ont participé, hier à Alger, à une conférence-débat organisée par la LADDH. Point par point, les intervenants ont relevé les travers de la législation algérienne et les pratiques qui entravent toute évolution de la situation des droits de l'homme dans le pays. «Les droits de l'homme ne peuvent pas être promus uniquement par des textes. Evidement, la situation n'est pas la même, mais il y a un recul. Formellement, il y a eu une levée de l'état d'urgence, mais le droit au rassemblement et à l'association est battu en brèche. Tout ce qu'on demande au ministère de l'Intérieur est de respecter ses propres lois», lance d'emblée Noureddine Benissad, président de la LADDH. L'avocat revient, dans la foulée, sur les multiples entraves à l'exercice de la liberté d'association et à la création de partis politiques. «Le ministère de l'Intérieur refuse de répondre aux demandes d'enregistrement ou d'agréments des associations et des partis politiques. C'est une pratique illégale. Les responsables du ministère de l'Intérieur refusent de donner des réponses claires aux demandes qui leur sont transmises», rappelle-t-il. Le président de la LADDH revient, par la même occasion, sur la situation de la femme qui n'est pas reluisante, la question de l'abolition de la peine de mort, qui peine à être tranchée et la confusion des pouvoirs, entretenues par les différentes constitutions du pays concernant l'indépendance de la justice. Le président de l'association RAJ, Abdelwaheb Fersaoui, abonde également dans le même sens. «L'impossible indépendance de la justice» Les mêmes questions ont été également abordées avec beaucoup de détails par les autres intervenants, dont le professeur Amar Belhimer. Exposant les résultats d'une étude réalisée par l'organisation Friedrich Ebert, il décortique les différentes pratiques qui ont anéanti le droit de l'individu à disposer du fruit de son travail, ses libertés physique et d'esprit. Ces libertés, explique-t-il, n'ont d'existence que le nom dans la pratique. «Pour préserver le système dominant derrière une façade de pluralisme politique, le pouvoir instrumentalise des acteurs de la société civile comme autant de relais politique», précise aussi l'étude dans l'une des ses conclusions. De son côté, le sociologue Zoubir Arous évoque la normalisation de la société qui accepte, de plus en plus, tous les abus. Et l'un des abus, c'est la violence contre la femme qui, selon Fadila Chitour, membre du réseau Wassila, reste toujours impunie. Cette militante pour le droit des femmes critique certaines dispositions de la loi 2014 sur la protection de la famille qui ouvre, selon elle, la voie à la récidive. «La notion du pardon invoquée dans ce texte pour stopper les poursuites contre les époux violents est une aberration. La puissance publique ne doit pas arrêter les poursuites, même après le pardon de la victime», plaide-t-elle. L'autre contradiction citée dans la législation nationale est relative à l'indépendance de la justice. La Loi fondamentale, estiment MM. Badi et Benissad, entretient la confusion et cela en «considérant d'abord le président de la République comme le premier magistrat du pays». «De plus, le Haut-Conseil de la magistrature demeure contrôlé par l'Exécutif et ses membres n'ont aucune indépendance», déplorent-ils. Le journaliste Fayçal Métaoui aborde, quant à lui, la question de la liberté de la presse. Il dénonce, notamment, les pressions exercées sur les journaux à travers la manne publicitaire et l'imprimerie. Selon lui, l'audiovisuel privé est aussi bridé, en lui dressant des lignes rouges et en retardant la publication des textes d'application de la loi sur l'audiovisuel.