Plusieurs centaines de personnes ont convergé hier au village d'Ighil Imoula pour rendre hommage à Ali Zamoum, figure emblématique de la guerre de Libération et militant actif après l'indépendance, pour l'accompagner à sa dernière demeure. L'hommage a été à la dimension de l'homme. Des anonymes, des femmes, des personnalités historiques et politiques, des artistes étaient tous là, dégageant ce sentiment du devoir d'être présent. Les obsèques ont été organisées dans la simplicité par les siens : le comité de village d'Ighil Imoula et les membres de l'association Tagmats que le défunt présidait. Un dispositif policier était déjà en place dès les premières heures de la matinée à Tizi n'Tlata, chef-lieu de commune, mais l'entrée au village d'Ighil Imoula était prise en charge par les villageois portant des brassards noirs. Le comité d'organisation a décidé de ne pas laisser les véhicules monter au village pour éviter les embouteillages. Des transporteurs de voyageurs se sont portés volontaires pour acheminer les visiteurs à la maison du défunt. « Je transporte les gens gratuitement pour exprimer ma reconnaissance pour ce qu'a fait Da Ali Zamoum pour l'Algérie, pour la région », dit le chauffeur qui nous dépose au village. Devant le domicile mortuaire, un cordon humain constitué des jeunes du village canalise, dans un ordre impeccable, les visiteurs. Le cercueil sur lequel était déposée une copie du Livre saint avec la mention « offert par le président Boudiaf » était entouré de femmes. Des larmes sont écrasées dans le silence et la dignité. Le village était bariolé de couleurs nationales. L'hommage rendu au patriote était sincère. Au siège du comité du village et au centre culturel inauguré en l'an 2000, des photos et des coupures de journaux sont exposées au public. La petite maison où la proclamation du 1er Novembre a été tirée les 26 et 27 octobre 1954 accueille les visiteurs. Le texte est gravé sur des feuilles métalliques avec des versions en français, arabe et amazigh (caractères tifinagh). Sur la place du village, une grande banderole est déployée : « L'hommage d'Ighil Imoula aux martyrs de tous les temps ». Des chants révolutionnaires de Farid Ali sont diffusés par une puissante sono. D'anciens ministres étaient au village tôt le matin. L'ancien chef de gouvernement Réda Malek et l'ancien ministre des Moudjahidine Saïd Abadou étaient en discussion avec les gens du village et des amis. Avant la mi-journée, le général-major Touati, portant un chapeau de paille, attire l'attention du public. Mouloud Hamrouche, casquette sur la tête et portant un tee-shirt à rayures, salue timidement ceux qui l'interpellent. Ferhat Imazighen Imoula et Lounis Aït Menguellet, noyés dans la foule, semblaient prendre du plaisir à être là. Le plasticien Mohamed Debbagh, 75 ans, ami de Ali Zamoum, venu de Batna, discute sans discontinuer. Le gouvernement était représenté par deux ministres : Chérif Abbas et Ould Abbas. Au moment du déjeuner, le public est invité à manger du couscous préparé par les villageois en l'honneur des visiteurs. Vers 13h, la levée du corps était accompagnée de youyous lancés par des femmes brisées par la douleur. Le cortège funèbre se dirige vers le carré des martyrs de Tizi n'Tlata ; le corps était transporté par l'ambulance de l'association Tagmats ; le même véhicule que conduisait Ali Zamoum pour se déplacer et répondre à des invitations à des conférences. Le 28 octobre 2003, il était seul à décharger et à déballer des cartons contenant des affiches et des planches pour célébrer l'anniversaire de la mort de son ami Kateb Yacine à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. Il était un militant infatigable et toujours gai. L'oraison funèbre prononcée par son neveu Rabah Zamoum (fils du colonel Si Salah), tout en retraçant le parcours du défunt, relève « un visage du passé, mais aussi celui de l'avenir dont la génération actuelle peut s'inspirer efficacement ». Des éléments de l'Armée nationale populaire tirent des salves à l'honneur de l'un des premiers membres de l'Armée de libération nationale. Un hommage populaire très fort à l'un des premiers baroudeurs de la Révolution. Un hommage à un humble rendu par une jeunesse pour laquelle il s'est largement dévoué.