Les faits sont têtus. Ils annoncent le pire à venir. Depuis quelques mois, la scène politique est témoin de dérapages dangereux qui exhalent les miasmes de la trahison et risquent de rouvrir les pages sombres du terrorisme des années 1990. La nouvelle série noire s'est ouverte sur les honneurs rendus au palais présidentiel à un chef terroriste notoire, Madani Mezrag et sa rencontre avec Ouyahia dans le cadre de la révision de la constitution. Mais que peut-on espérer d'un sinistre sanguinaire, sinon l'anéantissement du moindre souffle de liberté et la négation de toute vie démocratique dans le pays ? Puis, au milieu du mois d'août dernier, en catimini le pouvoir accorde son feu vert à la tenue d'un regroupement de terroristes de l'AIS, déguisé en «université d'été». Dans quels buts a été fabriqué cet arrangement ? Pour affûter les couteaux de l'organisation terroriste ? Pour en faire une force d'appoint et s'assurer d'une plus grande stabilité du système à un moment où le pouvoir vacille et la vacance du pouvoir s'éternise ? Les conséquences de ces compromissions sont déjà désastreuses : deux présidents d'APC et le directeur général d'une télévision privée ont été assassinés dans l'indifférence des pouvoirs publics. Le terrorisme planifié et ciblé de la décennie 90 est-il de retour ? De concessions en reniements, le RCD et le FFS se sont vidés de leurs principes fondateurs et participent à la dédiabolisation de l'islamisme politique. Aujourd'hui dans une banalité criminelle, le RCD siège côte à côte avec les islamistes au niveau de la CNLTD. Ironie du sort, ils envisagent ensemble l'avenir du pays sans que la présence du tristement célèbre Ali Belhadj ne heurte sa conscience. Le FFS est dans une dévotion obsessionnelle du «contrat de Rome» dont il voudrait donner une nouvelle jeunesse en le présentant comme la panacée à la crise à travers sa conférence du «consensus». Le MDS est dans la même logique et ce n'est pas la prestation d'un de ses représentants avec l'instigateur de l'appel au meurtre contre l'écrivain et journaliste Kamel Daoud dans un «débat» télévisé, qui aura fait bouger les lignes des islamistes. Tout au plus, cette joute oratoire scandaleuse aura donné l'illusion que l'islamisme politique a vocation au débat et à la démocratie. Mais est ce que le dialogue est possible entre ceux qui prétendent détenir la vérité absolue et ceux qui la construisent dans le doute ? Tombant dans l'amalgame et la confusion, le ministre des Affaires religieuses dans un discours moralisateur qui cache mal la menace, se permet d'infliger une leçon de patriotisme et un cours d'éducation politique à Kamel Daoud. C'est fondamentalement la sous-estimation du danger islamiste par le pouvoir et une frange de démocrates, qui a redonné du poil à la bête à un obscur salafiste. La fatwa contre le romancier Kamel Daoud est dans la filiation de l'islamisme politique. Celui-ci ne saurait s'accommoder d'une parole libre et d'une pensée audacieuse libérée de toutes les pesanteurs. Lorsque la peur gouverne, lorsque la liberté d'expression est sous surveillance, lorsque la liberté de création est sous la botte de l'interdit, la pensée bat de l'aile et la voie est ouverte au règne de la médiocratie et à celui de l'ordre moral. Hier, le bras armé de l'islamisme politique a décapité les têtes qui émergent et mené sans état d'âme le peuple à l'abattoir. Aujourd'hui, il ordonne la mise à prix de l'intelligence par l'appel au meurtre et récidive en tentant de séquestrer la liberté d'expression. L'islamisme politique a conduit à des constructions idéologiques abjectes pour justifier l'assujettissement de la pensée et la mise à mort de la pluralité culturelle. Mais la plume de l'artiste est toujours plus forte que la lame de mille fatwas ! Trop d'abominations ont été commises sur ce sol d'Algérie pour que perdurent encore les forfaitures de la «rahma», de la «concorde civile» à laquelle s'était rallié aussi le RCD, de la «réconciliation nationale» et le crime de l'amnésie. Le PLD ne cèdera pas d'un pouce sur cette idée inaliénable qu'il n'est d'islamisme politique qu'oppressif et totalitaire. C'est pourquoi plus que jamais la laïcité demeure un objectif central de lutte et un combat à mener au quotidien. Comme l'ensemble des forces patriotiques, le PLD condamne avec la plus grande fermeté la fatwa contre Kamel Daoud, dénonce le silence assourdissant des institutions de souveraineté (Présidence, Justice, Intérieur), salue le courage du romancier et appelle tous les patriotes, les républicains et les démocrates à se lever d'un même élan pour faire barrage à la montée du totalitarisme et de la trahison.