La rétrospective du cinéaste finlandais Aki Kaurismaki a connu un succès inouï au Festival de Locarno. Il était difficile de trouver une place, sauf en utilisant le système D et entrer dans la salle du Rex par la porte arrière. Dans tous ses films, le fond de l'air est morose quand il décrit son pays la Finlande. Un pays à moitié urbain, hybride où Kaurismaki invente des histoires absurdes comme sa série sur Les Leningrade Cowboys, le pire groupe de rock du monde, affublés d'une chevelure en banane incroyable et de chaussures en pointes ridicules. Les histoires imaginaires de Kaurismaki puisent aussi leur origine dans les deux pays limitrophes de la Finlande, la Russie et l'Estonie. En Finlande, Aki Kaurismaki est un artiste franc-tireur. Il a commencé sa carrière comme scénariste (il lit beaucoup, tout le temps) et comme acteur. Il a fait des boulots très divers. Il a même été critique de cinéma excentrique dans la revue Filmihulu. Et son coup d'essai comme metteur en scène, c'était le projet fou d'adaptation de Crime et châtiment de Dostoïevski Sans frémir, il s'attaqua ensuite à Shakespeare en adaptant Hamlet dans Hamlet Goes Business. Vision singulièrement critique de la Finlande en proie aux spéculations capitalistes, dans le tourbillon d'un affairisme sauvage. Kaurismaki fait ensuite ce qu'il appelle sa « trilogie prolétaire », une description précise, douloureuse de la vie des travailleurs en Finlande et de conditions de vie du sous-prolétariat : Ariel, ombre au paradis et l'ouvrière de l'usine d'allumettes. L'étape suivante dans son œuvre c'est sa trilogie des perdants (L'homme sans passé, Au loin s'en vont les nuages, Les lumières du faubourg). Ces films se passent dans les périphéries des villes finlandaises. C'est la Finlande du « quart-monde », dédaignée, méprisée et abandonnée. C'est de cette période que datent les ennemis de Aki Kaurismaki accusé par les autorités finlandaises de montrer une image terrible du pays. Mais il ne faut pas compter sur lui pour filmer une version embellie des choses connues dans un pays où il y a beaucoup de pauvres et beaucoup de vies ruinées. Une troisième période du travail de Kaurismaki, c'était sa phase d'histoires purement romantiques comme La vie de Bohème (tourné à Paris). Le Tango venue du froid (Kaurismaki affirme que le tango est d'origine finlandaise : à la fin du XIXe siècle, des marins auraient quitté Helsinki pour l'Amérique du Sud et exporté cette musique avec leurs accordéons en bandoulière) est un documentaire de 30 mn où le cinéaste montre comment le tango est devenu le chant national et le reflet de l'âme secrète finlandaise.