Ghaleb Bencheikh anime l'émission «Islam» sur France 2 le dimanche matin. Il préside la Conférence mondiale des religions pour la paix. Il est le fils de Cheikh Abbas, ancien recteur de la Grande Mosquée de Paris. - Comment avez-vous réagi aux actes antimusulmans qui se sont développés ces derniers jours ? Quelle est votre appréhension, au sens premier du terme ? Oui, l'appréhension est au sens premier du terme, vous avez tout à fait raison. C'est dans ces situations, selon le vieil adage qui dit que l'homme est le fils de l'adversité, qu'il ne faut pas perdre son sang-froid et rester digne. Mais aussi, — et ce n'est parce qu'on est «sommé» de le faire que je le dis —, tout en condamnant avec force les dérives meurtrières qui s'abattent au nom de la tradition religieuse islamique pervertie et avilie, nous devons demander aux autorités d'assurer la protection de l'ensemble des citoyens, pas en fonction de leur appartenance confessionnelle et pas selon les communautés, bien que je ne reconnaisse en France en principe qu'une seule communauté nationale, d'un destin commun. L'ensemble des citoyens, tous les lieux de culte, les lieux sensibles, doivent bénéficier sans exclusive, ostracisme, sans discrimination, de la même réflexion. - Que pensez-vous du fait que les attentats de Paris soient intervenus à un moment difficile en France d'exclusion et de rejet voulu par certains ? Ma deuxième réflexion, c'est que la bêtise humaine est la mieux partagée, comme on le dit aussi pour le bon sens. Un extrémisme ne peut qu'alimenter un autre extrémisme. Hélas, mille fois hélas, la stupidité de ces terroristes fait qu'au moment où une partie de l'opinion, peut-être pas la plus nombreuse, a commencé à réprouver les propos de Zemmour ou à fustiger la fiction littéraire de Houellebecq, c'est à ce moment là qu'une telle tragédie s'abat pour donner raison à tous les «misislamiques», je ne dis pas islamophobes car la phobie de l'islam, si elle se fonde sur ces comportements ignominieux, en devient compréhensible, en revanche quand il y a une «misislamie», comme on aurait dit un misanthrope ou un misogyne, c'est une haine déclarée et assumée comme telle, là, trop c'est trop. Nous, comme citoyens et comme musulmans, appelons à la vigilance. Une vie humaine est une vie humaine. Bien entendu, il faut un discours de fermeté et de vérité. Nous sommes arrivés à une situation où on pâtit de notre démission et on récolte les fruits amers de notre abdication. On a laissé fleurir un discours de type rétrograde dans notre culture et civilisation. - Un double discours amer, du côté de la France pas assez vigilante, et du côté des musulmans... Malheureusement oui, parce que l'intelligence hybride du cœur et de l'esprit n'a pas pu prévaloir. Raison de plus pour ne pas abdiquer maintenant. L'espérance est ce qui n'advient jamais mais nous n'abdiquons pas devant l'invincible espérance que les hommes dans ce monde peuvent vivre sans s'étriper. - C'est ce qu'a montré la France dimanche dernier avec cette manifestation immense ? Oui, et c'est pourquoi je dis que cet événement est commué en avènement d'une nouvelle ère. Espérons qu'elle ne sera pas gâchée par le comportement des uns et des autres.