Quelques palabres informels échangés entre le secrétaire général de la wilaya et des habitants, rien n'indique que l'appel au dialogue tant réclamé par la population soit à l'ordre du jour. Après les cinq journées qui ont marqué à jamais la mémoire des habitants de cette paisible et besogneuse commune, l'heure des bilans semble inéluctable. Jeudi dernier, après deux nuits d'échauffourées entre la population et les éléments des services de maintien de l'ordre, le wali de Mostaganem s'est rendu sur les lieux. Son trajet a été balisé, les amoncellements de branchages, pierres et objets hétéroclites qui jonchaient le sol ayant été dégagés, le chef de l'exécutif local a pu se rendre au siège de la daïra complètement dévasté. Cinq jours durant, la population de Sidi Lakhdar, à travers les rares journaux ayant pu envoyer des correspondants sur place, lui avait lancé des appels au dialogue et à la concertation. Ces appels ont été entendus, mais seulement une fois que les dérapages tant redoutés se sont produits, soit le lendemain de l'incendie du siège de la daïra. L'affrontement tant appréhendé par les manifestants a finalement eu lieu, bien que les porte-parole des protestataires aient clamé haut et fort que leurs revendications sont légitimes et pacifiques. Tout a basculé le jour où les forces de l'ordre ont chargé les manifestants qui assiégeaient le chef de daïra et sa famille à l'intérieur de l'institution symbolisant la présence de l'Etat. A l'évidence, le bras de fer a tourné à l'avantage des habitants qui sont parvenus à entrer dans le siège de la daïra et à y mettre le feu. Mercredi dernier, lors de notre visite – sous étroite surveillance, El Watan étant le seul journal à avoir été autorisé à filmer les scènes de razzia à l'intérieur de la daïra – nos interlocuteurs ont souligné que le passage à la violence a eu pour catalyseur la violence des forces de l'ordre à l'égard de manifestants souvent âgés ; ils ont souligné que leur mouvement n'est pas violent et que la principale revendication concerne le départ du chef de daïra qu'ils accusent de tous les maux. Il a fallu l'arrivée de renforts pour que les forces de l'ordre parviennent à reprendre possession de la daïra en ruine. C'est pourquoi tout juste après l'inspection du wali, un entrepreneur a entamé les travaux de réfection du siège. Entre-temps, les forces de l'ordre ont interpellé 52 manifestants. Présentés devant la justice, 12 d'entre eux ont été mis sous mandat de dépôt pour «acte de violence sur la voie publique». Lors de leur présentation au tribunal de Sidi Ali, un groupe d'avocats venus de Tiaret, capitale du Sersou, se serait constitué spontanément afin d'assurer la défense des manifestants arrêtés. A Sidi Lakhdar, on parle d'une cinquantaine de blessés. Le maire, qui traîne une affaire en justice depuis plus de trois années, n'aurait pas été associé à la brève visite du wali. A maintes reprises, des élus de l'opposition ont demandé, y compris à l'ex-wali, d'appliquer de la réglementation et de le suspendre de ses fonctions jusqu'à l'extinction des affaires en justice le concernant. Pour ce qui est du sort du chef de daïra, sa réapparition ne devrait pas passer inaperçue et risquerait de relancer les émeutes. Il est à signaler que mis à part le saccage du siège de la daïra, aucun édifice public ou privé n'a fait l'objet de la moindre attaque. Toutefois, une maison mitoyenne du commissariat a subi d'énormes dégâts lors des échauffourées avec la police, son toit en fibrociment n'ayant pas résisté aux jets de pierres. Hier, le chef de daïra aurait été aperçu circulant dans un véhicule banalisé, le même que celui incendié par les manifestants. De son côté, le président de l'APC de Sidi Lakhdar a fait le marché afin de sustenter l'impressionnant service d'ordre dont le maintien sur site risque de s'inscrire dans la durée. A part quelques palabres informels échangés entre le secrétaire général de la wilaya et des habitants, rien n'indique que l'appel au dialogue tant réclamé par la population soit à l'ordre du jour. On note également l'absence totale des élus à l'APW qui suivent les événements avec un détachement incompréhensible pour la population.