La consommation interne de gaz a évolué à environ 37 milliards de mètres cubes, selon les derniers chiffres du ministère de l'Energie. Pensez-vous que les niveaux actuels de production d'hydrocarbures, en net déclin depuis 2008, sont à même de couvrir les besoins internes et les engagements de l'Algérie à l'international ? En fait, tout dépendra de l'évolution des réserves récupérables à moyen et long terme. Selon les données dont je dispose, même si les réserves actuelles demeurent les mêmes — ce qui signifie pas de découvertes ni de nouveaux gisements développés — il n'y a aucune crainte à ce sujet jusqu'en 2019 environ ; la production actuelle permettra de couvrir les deux objectifs. Mais au delà, il faudra nécessairement diminuer progressivement les exportations au profit de la consommation interne. Le développement des récentes découvertes — dont je ne connais pas à vrai dire l'importance — ou celles qui pourraient être faites dans les cinq prochaines années — et je doute qu'elles puissent être importantes vu le degré de couverture exploration — pourrait permettre d'étendre cette période jusqu'en 2022-2025, pas plus. Quels sont les enjeux qui entourent l'évolution de la consommation interne ? Va-t-elle grignoter les volumes destinés à l'exportation ? Ce n'est pas un enjeu, c'est un défi à affronter. Il n'y a que deux solutions inévitables et deux autres probables parce qu'elles sont conditionnelles et viendront en appoint aux besoins actuels. La première consiste à mettre en œuvre, en urgence, un nouveau modèle de consommation énergétique basé sur un mix entre les hydrocarbures, qui resteront en tête qu'on le veuille ou non, et un apport progressif d'énergie renouvelable (solaire surtout). La deuxième consistera à accompagner ce modèle par une maîtrise et une réduction de la consommation intérieure par tous les moyens possibles pour éviter une dérive, qui sera catastrophique au delà de 2020. Il faut, entre autres, avoir le courage d'aborder le problème des prix à la consommation. La troisième solution consiste à poursuivre l'effort de recherche des hydrocarbures conventionnels. Mais sachant qu'il n'y a aucune certitude de résultat pouvant assurer un renouvellement des réserves conventionnelles, il serait hasardeux de bâtir des stratégies. S'il y a résultat, et ce serait tant mieux, on pourra alors construire des rêves là dessus. La quatrième solution consiste à compléter les connaissances, l'évaluation des réserves récupérables et la rentabilité des hydrocarbures non conventionnels. Seul un programme d'exploration conséquent peut permettre d'aboutir à un niveau de connaissance susceptible de permettre la prise des décisions nécessaires. Ce résultat ne pourra être atteint que dans cinq à dix ans, ce qui me permet de dire qu'il s'agit de réserves qui viendront simplement en appoint à la consommation interne au-delà de 2025 environ. L'entêtement du gouvernement à exploiter les ressources non conventionnelles répond-il au souci de couvrir les besoins en consommation interne et en exportation ? A mon avis, il est surtout question aujourd'hui d'assurer la sécurité énergétique du pays au-delà de 2030, et non d'assurer une rente à travers ce type de ressources dont la productivité, quand elle sera là, suffira tout juste à assurer l'appoint aux besoins internes. Il est peu probable qu'elles puissent correspondre à une rente qu'il faudra au plus vite assurer par d'autres richesses. Le gaz de schiste, aujourd'hui, a bon dos et tout le monde veut en parler, ceux qui le connaissent et hélas ceux qui ne savent même pas de quoi ils parlent. Il y aura un sérieux problème d'arbitrage dans très peu de temps, et ce n'est pas la rente qui sera en jeu, mais l'approvisionnement du marché intérieur. L'essentiel est d'en évaluer le potentiel et sa productivité au plus vite pour pouvoir être au rendez-vous de cet arbitrage avec les données qu'il faut. De toutes les façons, il ne sera produit que s'il est rentable et compétitif à tous points de vue avec toutes les autres sources d'énergie.