Encore une fois, le Palais royal marocain brandit l'épouvantail du danger venant de l'extérieur pour détourner l'attention de l'opinion publique nationale des partis et de l'opposition d'une manière générale sur la situation interne et les problèmes intérieurs auxquels est confrontée la population. Et le conflit sur le Sahara-Occidental est un parfait dérivatif pour Rabat face au risque d'explosion sociale latent... Au plan socioéconomique, l'état des lieux est plus que préoccupant de l'avis même des autorités marocaines. Des chiffres, pourtant tout ce qu'il y a de plus officiels, font ressortir que dans les prochaines années près de la moitié de la population estimée actuellement à près de 30 millions de personnes vivra sous le seuil de la pauvreté ou aux alentours. D'ores et déjà, le déficit en logements sociaux en milieu urbain est de l'ordre de 1,2 million d'unités, cela sans compter les besoins en la matière dans les campagnes. Aujourd'hui, les grands centres urbains comme ceux de Casablanca, Fès, Agadir et autres sont entourés d'une véritable ceinture de misère que sont les milliers de bidonvilles où règnent des conditions de vie plus que précaires. De l'avis des observateurs, ce sont autant de viviers pour l'implantation de l'intégrisme qui représente aujourd'hui une menace pour la monarchie. Le terrorisme intégriste a jusqu'à présent porté des coups sérieux à l'économie et à la sécurité du royaume tant et si bien que le gouvernement de Driss Jettou éprouve du mal à boucler la loi de finances pour 2005. Les perspectives s'annoncent en effet encore plus difficiles au plan énergétique avec un prix de référence du baril estimé à 35 dollars en moyenne. Le Maroc devra reconduire, dans la perspective la plus optimiste, les déficits de l'année dernière. Les investissements extérieurs directs ont chuté de plus de 76% après les attentats de Casablanca de mai 2003 ! C'est dire combien les investisseurs étrangers estiment peu sûr le royaume depuis les opérations-suicides menées par les islamistes intégristes marocains. Les institutions monétaires internationales ont de nouveau placé l'économie du Maroc sous surveillance et prévenu les autorités de Rabat qu'elles devraient tabler sur un taux de croissance autour de 7% par an pour espérer résorber les déficits structurels actuels. Ce qui a priori semble difficile à réaliser puisque les autorités n'ont pu retenir qu'un taux de croissance de 3% à peine. Quant aux recettes d'exportation, notamment dans l'agroalimentaire, elles risquent, elles aussi, de connaître comme l'an dernier une stagnation. L'accord d'association avec l'Union européenne (UE) ne semble pas donc avoir eu les effets escomptés lors de sa signature. La situation est donc des plus dramatiques pour la population rurale qui vit de l'agriculture et des exportations agricoles. Une situation que vient aggraver l'accord de libre-échange avec les Etats-Unis puisque plusieurs associations des droits de l'homme et de la société civile marocaine ont dénoncé sa conclusion et craignent que les effets induits se traduiront par une plus grande paupérisation des couches les plus défavorisées de la population. Les légumes secs et les médicaments génériques, par exemple, qui seront importés des Etats-Unis pourraient être vendus beaucoup moins cher que ceux produits localement à la faveur de cet accord. A l'instar de l'accord sur le riz conclu avec d'autres pays producteurs et dont l'une des conséquences négatives est que dès 2005 le prix du riz importé, notamment d'Egypte, sera moins cher que le riz produit localement par les Marocains. Une bonne partie des fellahs du royaume, qui produit environ 250 000 quintaux environ par an, ont de quoi être inquiets. C'est pour cela que des voix s'élèvent pour demander la renégociation de ces accords avec la participation des parties intéressées, notamment les producteurs locaux. Les Marocains pourraient connaître dans les prochains mois des jours difficiles d'autant que les ressources extérieures sont appelées, dans le meilleur des cas, à stagner. Et ce d'autant que la bouffée d'oxygène que pouvait représenter l'ouverture des frontières avec l'Algérie pour le royaume tout entier n'aura pas lieu. Alger ayant marqué une fin de non-recevoir à l'initiative de Rabat.