Réduit à une espèce de chambre d'enregistrement, le Parlement, dont la session d'automne s'achève aujourd'hui, renvoie l'image d'un pays qui navigue à vue. Députés contactés par SMS pour expédier un texte de loi imprévu. Un ministre, celui de la Justice, Tayeb Louh, qui apostrophe un des rares élus contestataires en lui disant qu'il pouvait bien lire le projet de loi dans la voiture. Un bureau de l'APN qui va à vau-l'eau, ramant entre les desiderata du secrétaire général du FLN, Amar Saadani, qui veut exclure «un ennemi», l'indécision du président de l'Assemblée, Larbi Ould Khelifa, et les exigences de la loi. La session d'automne du Parlement algérien, qui ferme aujourd'hui, termine dans le désordre en votant un projet de loi sur le blanchiment d'argent qui n'était pas inscrit mais que le gouvernement a fini par imposer à l'ordre du jour et à faire passer. C'est le dernier texte que le Parlement a adopté, c'est aussi l'ultime preuve de la soumission du législatif à l'Exécutif. Le bureau de l'APN ne refuse décidément rien au gouvernement, même si les procédures et règlements qui régissent le fonctionnement de l'Assemblée ne le permettent pas. La session d'automne du Parlement, comme les précédentes d'ailleurs, n'a fonctionné qu'au Minimum au rythme des projets de loi produits par un Conseil des ministres qui se tient rarement en raison de la maladie du chef de l'Etat. Hormis quelques projets pour remplir son agenda et la nécessaire adoption de la loi de finances, l'APN chôme le reste de l'année. Pis, elle est réduite à une chambre d'enregistrement, une caisse de résonance dans un système politique où l'Exécutif prédomine et concentre tous les pouvoirs entre ses mains. Les seuls brouhahas que l'on entend à l'intérieur du palais Zighout Youcef concernent rarement les enjeux qui engagent l'avenir du pays, mais des palabres autour des intérêts de rente. Les députés ont fait moins de bruit sur l'exploitation du gaz de schiste que sur la majoration de leurs indemnités. On ne les a pas entendus, non plus, sur des questions qui ont été au cœur de l'actualité nationale : la corruption qui gangrène le pays sur laquelle ils auraient pu engager des enquêtes parlementaires, la liberté de la presse mise à mal et les autres problèmes auxquels font face les Algériens au quotidien. Et ceux-là ne manquent pas. C'est vrai que l'attitude des parlementaires ne surprend personne, mais il n'est pas normal, tout de même, qu'ils n'aient formulé aucune proposition de loi ni forcé un tant soit peu l'Exécutif à modifier les siennes. Réduit à presque rien, le Parlement, dont la session d'automne s'achève aujourd'hui, renvoie l'image d'un pays qui navigue à vue. L'avocat et militant des droits de l'homme, Mustapha Bouchachi, a mis le doigt sur la plaie en quittant définitivement l'hémicycle. Dans sa lettre de démission, l'ancien député du FFS a énuméré plusieurs raisons qui ont motivé sa décision : «La transgression flagrante de la loi par certains élus et représentants des ministères, le rejet de la proposition portant sur la mise en place d'une équipe pour enquêter sur des affaires de corruption, les événements qui ébranlent encore la ville de Ghardaïa, le manque de persévérance et d'étude avant l'élaboration du projet de loi de finances par les élus qui devraient être les premiers protecteurs des biens du peuple.»