Durant la guerre de libération, il s'est fait opérer par Tidjani Heddam avant de soigner à son tour, Ali Mendjeli. Il a été condamné à la perpétuité et a côtoyé de grands moudjahidine comme Zighoud Youcef, Ziguet Smain, Brahim Chibout, avec les Abdennour, Driouche, Bouthelja, Lessak et d'autres. Il a fait partie du premier groupe des jeunes skikdis ayant rejoint les maquis. Il a aussi vu son frère Abdelhamid mourir, les armes à la main, près de l'ancienne église un certain 20 août 1955. Il a même porté une mlaya pour aller rendre visite à sa mère, la veille des évènements du 20 août 1955. Mohamed Laïfa, dit Bata est tout ça et beaucoup plus encore. Avant de poursuivre, il faut d'abord préciser une vérité: cela fait plus de quinze ans qu'on essayait de le faire parler. Il a toujours refusé. Il a fallu insister en faisant intervenir sa femme, une moudjahida qui a traversé la ligne Morice, pour le convaincre de raconter son histoire. Une histoire singulière ponctuée par deux faits d'armes majeurs : le 20 août 1955 et la fameuse et mystérieuse «descente des jeunes skikdis» en 1956. Ponctuée aussi par une grave blessure qui a failli lui coûter la vie n'était l'intervention chirurgicale effectuée par Tidjani Heddam à l'hôpital Essadikia à Tunis, en lui ablatant les trois-quarts d'un de ses poumons. Mais revenons d'abord aux sources et écoutons Aami Mohamed: «J'avais 14 ans lorsque j'ai rejoint le MTLD (Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, ndlr). Avant, j'étais scout et comme tous les scouts musulmans de l'époque, je devais naturellement rejoindre le mouvement nationaliste. C'est en côtoyant les guides du scoutisme de l'époque, comme Ali Sid, que j'ai compris ce qu'était le nationalisme à travers les chants qu'on apprenait. C'était la belle école du nationalisme». Mais quel est donc le secret de ce sobriquet de «Bata» ? «Quand j'étais enfant, le père de Ahmed Hafsi me faisait monter sur le toit brûlant d'une baraque pour jouer avec moi en faisant semblant de chercher à me rattraper. Moi, au lieu de crier «Ya Baba», je lançais «ya Bata» et depuis, ce pseudo m'est resté collé à la peau». Le petit Bata a vu le jour à la rue des Aurès. Fils de Mbarek dit Mokhtar et de Hadda Laifa, il fait partie d'une famille nombreuse de quatre garçons et autant de filles. Il fréquente l'école El Farabi dans la vieille ville de Skikda, puis tentera un métier de tôlier. Puis vint l'année 1954. Tous les militants du MTLD étaient recherchés à Skikda. Bata n'est pas dupe, et sait qu'il lui fallait quitter la ville : «J'ai été contacté par Messaoud Ziguet, qui m'a demandé de prendre attache avec les jeunes nationalistes skikdis de l'époque. A El Alia, j'ai participé, avec d'autres personnes à la fabrication de bombes artisanales qui devaient être utilisées». Puis vint le 20 août 1955. Bata est désigné à la tête d'un groupe de 12 moudjahidine, dont Saci Boulferkat. «On a passé la nuit chez les Mechtouf. Le 20 août, à midi, on est sorti pour s'attaquer aux militaires avoisinants la caserne des pompiers des HBM. La riposte des soldats français était terrible, on s'est alors replié pour regagner la porte des Aurès à l'autre bout de la ville», se rappelle-t-il. Bata reviendra une année après à la ville. C'était en 1956. Il faisait alors partie du «groupe de la mort» avec 17 autres jeunes, d'authentiques enfants de la ville. Qui a décidé d'envoyer cette jeunesse dans une « fourmilière militaire» et dans quel but? L'histoire le dira un jour. Bata poursuit : «On était 18 à redescendre à Skikda pour commettre des attentats. C'était un second 20 août en fait. Moi je faisais partie du groupe qui s'était attaqué aux militaires près des HBM. On devait par la suite regagner la porte des Aurès. J'ai emprunté, avec Ali Merzouk le chemin passant par le quartier napolitain et c'est là où des civiles français m'ont tiré dessus à partir de leurs balcons, me blessant au poumon». Bata sera par la suite transféré à Tunis pour être soigné avant de se convertir en soignant et s'occuper, à son tour, d'Ali Mendjeli. Là il y rencontre sa femme, une moudjahida. Il y rencontre aussi son cousin «Tonton» et Salah Mouats. A l'indépendance, Bata se retrouve chômeur et parvient à refaire sa vie. C'est un authentique «prototype» de cette jeunesse Skikdie qui donna tout ce qu'elle avait de cher à son pays, même si, par les temps qui courent, il existe certains qui tentent vainement de dénuder la ville de son histoire. Mais c'est peine perdue.