Le voile se lève sur une partie de l'argent du souverain du royaume chérifien, que tous les Marocains savaient déjà excessivement riche. La monarchie alaouite de nouveau au cœur du scandale. A Genève, royaume de l'évasion fiscale, le monarque marocain, commandeur des croyants, est un client-roi. Il fait partie de l'aristocratie des évadés fiscaux domiciliés dans la filiale suisse de la Hong Kong & Shanghai Banking Corporation (HSBC). Un séisme politique à Rabat, déjà fortement secouée par l'affaire Chris Colman qui a publié des informations confidentielles sur les pratiques du makhzen. Le «roi des pauvres» est un riche client de la banque genevoise. Dans son enquête sur un vaste système d'évasion fiscale, Le Monde, dans son édition d'hier, révèle le compte de Sa Majesté Mohammed VI ouvert en 2006. Le client n°5090910103. Son compte s'élève à 7,9 millions d'euros. «Pour ceux qui se demandaient où est passée la fortune, maintenant ils ont la réponse», a commenté un internaute marocain sur facebook. Le voile se lève ainsi sur une partie de l'argent du roi, que tous les Marocains savaient déjà excessivement riche. Mais il n'est pas le seul à détenir un compte à la private bank, rue des Bergues. La filiale genevoise de la banque britannique à la réputation sulfureuse compte également parmi ses clients des membres de la famille royale. Le frère du roi, le prince Rachid, la princesse Lalla Meryem et sa grande sœur ont également des comptes dans la banque suisse. Dans la liste royale figure également l'ex-beau-frère du roi, Fouad Filali, avec un compte qui s'élève à 16,6 millions de dollars. En somme, c'est toute la famille royale qui est domiciliée financièrement dans la capitale économique de la Suisse, le coffre-fort des évadés fiscaux et de beaucoup de dirigeants politiques, notamment ceux des pays du Sud. Le compte du souverain alaouite est codétenu avec son secrétaire particulier, Mounir El Majidi, selon les révélations du Monde. Il est l'un des premiers chefs d'Etat cités par l'enquête visant des comptes secrets en Suisse, aux côtés de son «ami» le roi de Jordanie, Abdallah II, avec un compte qui s'élève à 41,8 millions d'euros. La révélation du quotidien parisien du soir coïncide avec la visite du roi du Maroc à Paris, lundi après-midi. Une fort belle manière de souhaiter la bienvenue au monarque alors que son pays est déjà en bisbilles diplomatique et judiciaire avec la France. Mohammed VI comptait sur ce voyage pour sceller la «fin» du gel diplomatique entre les deux pays, mais surtout pour redorer l'image d'un «palais» écorné par les affaires. Visiblement, il était bien servi. Il est dans de beaux draps. Le «roi des pauvres» Au Maroc, les révélations ont suscité d'énormes réactions qui ont fait exploser les réseaux sociaux. «Prenez votre copie du Monde d'aujourd'hui avant qu'il ne disparaisse des kiosques !» a encore ironisé Fouad Abdelmoumni, figure du combat démocratique au Maroc. Pour faire écho aux révélations du quotidien français, l'hebdomadaire Telquel a republié, à l'occasion, une enquête datant de mai 2013 sur «le conglomérat de Mohammed VI» sous le titre «Les arcanes du business de Mohammed VI». Le fils de «notre ami le roi» dont la fortune personnelle, estimée en 2014 à 1,8 milliard d'euros selon le magazine Forbes, se trouve ainsi au cœur d'un nouveau scandale, alors que le palais royal a parrainé une campagne pour rapatrier des fonds de Marocains à l'étranger dans le cadre d'une opération de «patriotisme économique». Le monarque alaouite, surnommé «le roi prédateur», principal actionnaire dans un conglomérat d'entreprises marocaines, est accusé déjà de conflit d'intérêts dès lors qu'il est l'autorité suprême aussi bien administrative que judiciaire. «Au vu des actionnaires, l'existence même de la Société nationale d'investissement (SNI) est un défi à la Constitution marocaine», dont l'article 36 prohibe les conflits d'intérêt et toutes les pratiques contraires aux principes de la concurrence libre et loyale. «Dans un pays où le roi est l'autorité administrative et judiciaire suprême, les entreprises dont il est actionnaire partent-elles vraiment sur un pied d'égalité avec les autres ?», s'interroge le journaliste opposant Ahmed Benchemsi dans les colonnes du Monde. Ainsi, avec les révélations rendues possible grâce à Hervé Falciani, ancien employé de HSBC, l'enquête lève le voile sur une partie de l'argent caché du commandeur des croyants et, sans doute, des dignitaires d'autres régimes, notamment ceux du monde arabe. Selon les révélations du Monde, près de 26 milliards de dollars – soit un quart des fonds – placés entre 2006 et 2007 dans HSBC Private Bank appartiennent à des clients originaires du monde arabe. La liste des clients algériens est fortement attendue.