A l'aéroport, au Palais de la culture, en marge de la cérémonie officielle et aujourd'hui à Cherchell pour son enterrement : Assia Djebar, de retour au pays, aura eu droit à plusieurs hommages. «Il fallait quand même un peu d'Assia dans tout ça !» La phrase est lâchée au Palais de la culture, dans un des salons annexes à la salle de cérémonie officielle où a été déposé, hier, le cercueil de l'écrivaine algérienne, décédée vendredi dernier. Les femmes – menées par les militantes et les sympathisantes du réseau Wassila et sa famille – qui voulaient soustraire Assia Djebar aux «discours hypocrites», ont obtenu gain de cause. Derrière le micro, elles se succèdent pour lire des textes et des poèmes, entrecoupés d'achwiq (chants religieux berbères) et chants sacrés de Taos Amrouche : DjoherAmhis, professeur de français à la retraite et animatrice d'ateliers d'écriture, Linda Bensid, étudiante en médecine et comédienne, ou encore Fadhila Chitour, vice-présidente du réseau Wassila. Une autre comédienne, Adila Bendimerad, a choisi des extraits des Nuits de Strasbourg. «Assia Djebbar aurait voulu ce genre d'hommage, insiste une militante du réseau. Elle aurait voulu que les femmes revisitent ses écrits.» Mais cet hommage n'était pas acquis. Quelques minutes plus tôt, à quelques mètres, alors que le poète et écrivain Brahim Seddiki, au nom de la ministre de la Culture, saluait l'héritage de l'écrivaine «à la culture nationale et universelle», les chuchotements de mécontentement s'étaient faits de plus en plus insistants. «Dire qu'ils regrettent qu'elle n'ait pas eu le prix Nobel ! Eux qui n'ont rien fait, ils n'ont pas honte !», entend-on fuser des rangs de chaises en plastique blanc. «Ça ne suffisait pas qu'ils la comparent à Albert Camus !» «Ils ne l'ont même pas traduite en arabe ! On ne trouve même pas ses livres à Alger», protestaient certains de ses proches, excédés. Larmes «Je suis sûre qu'elle est tout de même heureuse de voir autant de monde, et surtout autant de femmes. C'est grâce à son combat, à ses écrits, que nous avons su être des Algériennes fières de leurs cultures !» reconnaît Khaoula Taleb Ibrahimi, linguiste et enseignante à l'université d'Alger. «Il y a beaucoup de monde, heureusement, mais en dehors des youyous, on n'arrive pas à faire passer ses textes», se désole une amie de l'écrivaine. Des youyous, il y en a eu aussi à l'aéroport, dans la cour du salon d'honneur, au milieu des larmes et des embrassades, quand la dépouille de Fatma Zohra Imalhayène, portée par les hommes de la Protection civile, a été amenée devant la famille. Samir, son frère, Mohamed, son gendre, Sakina, sa sœur, Sawsen, son amie qui tourna sous sa direction dans La Nouba des femmes du Mont Chenoua, sa fille Djalila, et sa mère, Baya, étaient tous là, pour elle, quelles que soient les formes d'hommage dont ils rêvaient. Il y avait aussi, bien sûr, la ministre de la Culture, Nadia Labidi, le guide de la zaouia alaouia, le cheikh Khaled Bentounès, l'ancien chef de gouvernement Rédha Malek, l'ancien ministre de l'Information, Lamine Bechichi, ou encore l'ambassadeur de France, Bernard Emié, rejoints au ministère de la Culture par la leader du PT, Louisa Hanoune, l'ancien président de l'APN Karim Younès ou encore l'ancien ministre de la Communication, Mahieddine Amimour. De nombreuses personnalités du monde des arts et de la culture, comme la poétesse Hajar Bali, la réalisatrice Fatma Zohra Zamoum, l'éditeur Azzedine Guerfi… étaient aussi venus se recueillir. Aujourd'hui, un ultime hommage sera rendu à Assia Djebar au cimetière de Cherchell, où son corps doit être inhumé après la prière du vendredi.