Il a fallu un marathon diplomatique soutenu, il faut bien en convenir, par des déclarations appuyant toutes la solution négociée pour que soit conclu un accord de paix en Ukraine. On croyait que le sommet quadripartite (Russie, France, Allemagne et Ukraine) de mercredi dernier serait une formalité, mais la chancelière allemande et les présidents français, ukrainien et russe ont dû faire face, et ce, durant pas moins de seize heures de tractations, à de nouvelles difficultés. Victoire alors ? Certains répondent par une moue dubitative, en tout état de cause, on s'en félicite mais sans le moindre excès. Serait-ce cela la «paix européenne», ce nouveau concept apparu il y a tout juste une semaine, et à laquelle semblent adhérer aussi bien les Etats-Unis que l'OTAN accusée, quant à elle, de vouloir repousser ses frontières, et qui suscite à elle seule un immense débat ? Le fait est plutôt rare pour ne pas être relevé, mais quatre signatures et même cinq si l'on inclut l'accord des séparatistes et autant de points de vue. Après dix mois de conflit meurtrier, une guerre en fait dans l'est de l'Ukraine, Kiev et les rebelles séparatistes ont signé une feuille de route visant à ramener la paix dans le pays. Là s'arrête la convergence si l'on peut la considérer ainsi. Côté russe, la création d'une zone tampon de 50 à 70 km de large et le retrait des forces ukrainiennes derrière la ligne de front actuelle sont accueillis avec satisfaction, côté européen, l'ambiance est davantage à la méfiance, et c'est là le paradoxe, car à l'inverse, ce n'est plus un accord. Ainsi, certains ont relevé le fait que le président russe annonce les deux mesures principales qui sont le retrait d'armes lourdes d'une zone tampon et un cessez-le-feu à partir de la nuit prochaine, le 15 février. Vladimir Poutine s'est réjoui d'avoir «réussi à trouver un accord sur l'essentiel» après d'âpres négociations doit-on encore rappeler, tandis que des observateurs croient conclure que Moscou a voulu démontrer son influence dans la rédaction de l'accord et sa prise en main du dossier. Pour les dirigeants séparatistes, l'heure est aux félicitations en attendant les vraies négociations, puisque, laissent-ils entendre sinon rappeler avec insistance, le texte adopté jeudi laisse espérer «une solution pacifique» au conflit qui a fait près de 5500 morts en dix mois. Un chiffre sous-évalué pour d'obscures raisons, selon le renseignement allemand qui parle, quant à lui, de 50 000 victimes, alors que cinq millions de personnes ont été touchées par le conflit. Quant à l'Ukraine, elle ne sera plus jamais la même. Quoi au juste ? Côté européen, on convient également que c'est la voie ouverte pour de vraies négociations, Berlin tenant à indiquer que ce qui a été conclu «n'est pas une solution globale et encore moins une percée», et que de «gros obstacles» subsistent, Angela Merkel non seulement douchant les espoirs d'une paix immédiate, mais surtout déclarant ne se faire «aucune illusion» sur les difficultés à surmonter avant d'arriver à une solution au conflit ukrainien. Ce n'est pas l'avis du chef de l'Etat français qui considère que «c'est un espoir sérieux même si tout n'est pas encore accompli pour l'Ukraine», et de saluer le président russe «qui a fait pression, autant qu'il était nécessaire, sur les séparatistes» et le président ukrainien «qui a pleinement engagé son pays dans le règlement de ce conflit», lui, qui a estimé que la mise en œuvre de l'accord en question ne serait «pas facile», en évoquant un «problème de confiance» avec la Russie, n'excluant d'ailleurs pas que l'initiative échoue. Tout cela pour un échec ? Probablement pas, car personne n'en voudrait, vu que la réunion de Minsk engageait directement les chefs d'Etat, ce qui, pour les spécialistes, signifie que l'essentiel a été fait auparavant. Envisager les difficultés quelles qu'elles soient, c'est aussi agir contre l'échec et ainsi baliser la voie au véritable accord. Celui qui scellera une paix durable.