Comme il fallait s'y attendre le Front des forces socialistes (FFS) a été obligé d'annoncer lui-même le report sine die de sa conférence nationale du consensus. Après cinq mois d'échanges, de tractations autour de petits fours avec un large spectre de la classe politique, ce parti s'est aperçu que sa démarche est un idéal qui ne s'accommode pas de petits arrangements entre amis. Il ne s'agit pas, ici, de jeter la pierre sur un parti qui a cru – naïvement peut-être – pouvoir faire bouger les lignes avec un régime plus que jamais cramponné dans son déni des réalités. Le parti de Hocine Aït Ahmed peut se targuer, en effet, d'une longue histoire d'éthique et de pédagogie politique qui lui confère la légitimité d'être une force de proposition. Ceci, bien que toutes ses tentatives ne fassent pas forcément consensus, loin s'en faut. Il aura en tout cas tout essayé, en épuisant les voies de recours résiduelles dont dispose l'opposition politique en Algérie. Il faut souligner pour autant qu'il ne pouvait raisonnablement pas espérer grand-chose de sa «feuille blanche» s'agissant de ce grand dessein qu'est le «consensus national». Beaucoup d'observateurs pensaient, à raison, que le FFS version Nebbou ne pouvait pas aller loin. Sa conférence «sans ordre du jour» présente une malformation congénitale handicapante pour pouvoir la «vendre» à des partenaires politiques qui eux, savent ce qu'ils veulent. En l'occurrence, le FFS s'est retrouvé coincé entre l'exigence des partis de l'opposition d'intégrer la légitimité du régime et de remettre les compteurs à zéro, et les préalables indépassables du pouvoir qui postulent la non-remise en cause des institutions élues. Pas facile de jouer les funambules politiques pour rapprocher des points de vue qui s'excluent mutuellement. Le FFS a tout de même pris le risque de se mettre à dos une partie de l'opposition regroupée au sein de la CNLTD dans l'espoir de trouver une oreille attentive à son projet mal emballé du côté du pouvoir. Les déclarations élogieuses de Amar Saadani à l'égard du FFS lors de la première réunion firent illusion. Mais ce fut finalement un sourire narquois d'un homme hâbleur pour qui l'initiative du plus vieux parti de l'opposition devait juste faire gagner un sursis politique au pouvoir. Au final, le FLN et son alter ego, le RND, ainsi que leurs «petits» (TAJ, ANR et MPA) ont répondu d'une seule voix au premier secrétaire du FFS : les institutions élues pas touche ! Du coup, le parti de Mohamed Nebbou n'a pas trop le choix, sinon de ronger son frein et de constater que son initiative est politiquement dévitalisée. Alors qu'elle est rejetée et dénoncée par les animateurs de la CNLTD, voilà que les porte-voix du pouvoir lui assènent le coup de grâce. Le premier secrétaire du FFS a reconnu à juste titre que «sans le pouvoir, on ne peut pas tenir une conférence ou aller vers une nouvelle ère». Oui, mais était-il possible de la tenir sans l'opposition en se contentant d'une flopée de responsables de partis microscopiques qui auraient juste gambadé afin de partager la table de Saadani et Bensalah ? Si tel était le cas, d'aucuns n'hésiteront pas à valider l'accusation d'«intelligence» avec le pouvoir proférée par les membres de la CNLTD au FFS. C'est là toute l'ironie d'une généreuse idée de construire un consensus politique quitte à l'asseoir sur un dissensus. Le FFS doit bien reconnaître que sa feuille blanche a été noircie. Par l'opposition et par le pouvoir.