Reparti bredouille en mai 2014 du Festival de Cannes, le film franco-mauritanien, Timbuktu, de Abderrahmane Sissako, nommé huit fois aux 40es Césars (réplique française des Oscars de Hollywood), bien que le scénario montre une certaine faiblesse, et contre toute attente, il a éclipsé les favoris : Les combattants, Eastern Boys, La famille Bélier, Hippocrate, Saint Laurent et Sils Maria, et ce, en raflant la mise ! Timbuktu a emporté dans sa besace sept distinctions, dont les prestigieux trophées du Meilleur film et Meilleur réalisateur, ainsi que ceux de Meilleur son, Meilleure photo, Meilleur montage, Meilleur scénario original et Meilleure musique originale. Bien que sa gloire vienne et provienne du plaisir du public (les entrées en salle, les achats vidéo, les audiences télévisées), de la critique et de la reconnaissance des professionnels de l'industrie cinématographique, le choix est quelque peu motivé par une décision «politique». Car d'une brûlante, voire dramatique actualité prévalant au Mali. Sus à l'autodafé, versus l'obscurantisme Le pitch du film ? Non loin de Tombouctou, tombée sous le joug des extrémistes religieux, Kidane mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima, sa fille Toya, et Issan, son petit berger âgé de 12 ans. En ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des djihadistes, qui ont pris en otage leur foi. Fini la musique et les rires, les cigarettes et même le football… Les femmes sont devenues des ombres qui tentent de résister avec dignité. Des tribunaux improvisés rendent chaque jour leurs sentences absurdes et tragiques. Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou. Mais leur destin bascule le jour où Kidane tue accidentellement Amadou le pêcheur, qui s'en est pris à GPS, sa vache préférée…Timbuktu, de par l'histoire qu'il traite, dénonce la bêtise humaine, la folie meurtrière djihadiste, l'obscurantisme, la barbarie dépassant tout entendement humain, la négation de nos semblables… Et puis, un espoir ! Des femmes, considérées comme des infra-humains, sont la matrice d'une espérance. Victimes expiatoires, elles seront belles et rebelles, battantes et combattantes. Des femmes courage, bravant la peur changeant de camp, comme cette Malienne brandissant un couteau face aux djihadistes ou arrêtant leur véhicule. Un film puissant et poignant de par sa limpide et lisible simplicité. Fort et saisissant à travers ses paysages dunaires et ses regards volés et surtout humains d'une beauté ! Un film panoramique ! Un hymne à la vie, à la tolérance et à la paix ! «La France est un pays magnifique, parce qu'elle est capable de se dresser contre l'horreur, la violence, l'obscurantisme… pays extraordinaire, ouvert aux autres… Il n'y a pas de choc des civilisations, ça n'existe pas. Il y a une rencontre des civilisations…», saluera la France l'heureux et «élu» Abderrahmane Sissako. De front, le Premier ministre français, Manuel Valls, a congratulé le triomphe de Timbuktu de Abderrahmane, en réagissant sur Twitter : «Sacre mérité de Timbuktu de Abderrahmane Sissako. Résister à la barbarie…». Oscars 2015 : huit ça suffit ? A quelques heures de la cérémonie de remise des Oscars 2015, Timbuktu, présenté en tant que film mauritanien, figure sur la «short list» convoitant le Award du Meilleur film étranger. Et cela se jouera dans un mouchoir face à des concurrents comme Ida de Pawel Pawlikowski (Pologne), Leviathan d'Andrey Zvyagintsev (Russie), Tangerines de Zaza Urushadze (Estonie) et Wild Tales de Damián Szifron (Argentine). Pourquoi pas la cerise sur le gâteau : un Oscar comme ultime onction et consécration. Car le sujet de Timbuktu a, actuellement, le don d'ubiquité !