La rencontre des parlementaires français et Bachar Al Assad a provoqué une crise sur la scène politique française. Alors que le chef d'Etat a fait part de son mécontentement suite à cette rencontre, plusieurs figures politiques se sont exprimées sur cette visite plutôt inattendue. «Cette initiative, je la condamne. Je la condamne parce qu'il s'agit d'une rencontre entre des parlementaires français qui n'ont été mandatés que par eux-mêmes avec un dictateur qui est à l'origine d'une des plus graves guerres civiles de ces dernières années, qui a fait 200 000 morts. 200 000 !» Ce sont les propos qu'a tenus François Hollande lors d'une conférence de presse à Manille, capitale des Philippines, suite à la rencontre, mercredi, entre les parlementaires français de droite et du centre et Bachar Al Assad à Damas. Le chef d'Etat français n'a pas mâché ses mots et a même qualifié Bachar Al Assad de «dictateur». De son côté, le Premier ministre Manuel Valls a condamné, avec fermeté, l'initiative de trois parlementaires français «Les parlementaires peuvent se déplacer. Mais je veux condamner cette initiative avec la plus grande vigueur. Ils ne sont pas allés voir n'importe qui ! Ils sont allés rencontrer Bachar Al Assad, responsable de plusieurs dizaines de milliers de morts. Les parlementaires représentent la souveraineté nationale. Que des parlementaires aient rencontré sans crier gare un boucher, c'est une faute morale !», a-t-il lancé sur la chaîne BFMTV. «Al Assad n'est pas un dictateur autoritaire, c'est un boucher», s'est-il indigné. L'initiative des députés a provoqué la colère des plus hautes sphères du pouvoir. A l'issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a d'ailleurs tenu à souligner que cette initiative est purement personnelle et qu'elle ne s'agit en aucun cas d'une initiative officielle de la France. De son côté, Alexandre Giorgini, le porte-parole du Quai d'Orsay, s'est empressé d'indiquer que cette rencontre n'a pas fait l'objet de concertation avec les services de Laurent Fabius. «Il s'agit d'une initiative de parlementaires qui, conformément au principe de séparation des pouvoirs, n'a pas été décidée en concertation avec le ministère des Affaires étrangères et du Développement international.» «Comme l'a précisé Laurent Fabius le 15 février, les parlementaires concernés ne sont porteurs d'aucun message officiel», a précisé Alexandre Giorgini. Guerre Cette affaire qui a fait beaucoup de bruit, ces deux derniers jours, entre partisans et détracteurs remonte à mardi dernier alors que des parlementaires français (les deux députés Jacques Myard, Gérard Bapt et les deux sénateurs Jean-Pierre Vial et François Zocchetto) qui s'étaient rendus en Syrie pour une «mission personnelle», ont rencontré le lendemain à Damas le président syrien Bachar Al Assad. Suite à cette rencontre, le député des Yvelines, Jacques Myard, a déclaré : «Nous avons rencontré Bachar Al Assad pendant une bonne heure. Cela s'est très bien passé.» Par ailleurs, ce dernier a refusé de préciser la teneur des échanges en affirmant : «Nous ferons un rapport à qui de droit.» «Il est clair que nous ne pouvons pas nous permettre d'ignorer le gouvernement syrien», a-t-il avancé. «Venir et écouter, ça ne signifie pas qu'on approuve… Si on veut mettre un terme à la guerre civile, on parle avec des gens avec qui on n'est pas d'accord et Bachar Al Assad sera partie prenante du règlement de ce conflit», a ajouté Jacques Myard. Alors qu'hier matin, Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du Parti socialiste, a annoncé que l'élu socialiste Gérard Bapt, président du groupe Amitié France-Syrie à l'Assemblée nationale, sera sanctionné pour cette initiative, précisant : «J'ai écrit à Gérard Bapt, je le convoquerai et je prendrai des sanctions. Je le déférerai devant la haute autorité du Parti socialiste.» Cette dernière devra statuer sur une possible infraction des statuts du parti et pourrait prononcer une exclusion du député de Haute-Garonne même s'il n'a pas rencontré Bachar Al Assad, contrairement au député UMP Jacques Myard, au sénateur UMP Jean-Pierre Vial, et au sénateur UDI François Zocchetto, le député UMP François Fillon «trouve qu'ils ont eu raison d'y aller». «Il faut écouter toutes les parties. Si j'avais l'occasion d'aller en Syrie, j'irais en Syrie», a-t-il ajouté. Ce point de vue est largement partagé par divers cadres à l'UMP. Invité sur France Inter, Florian Philippot a déclaré : «L'initiative des quatre parlementaires en Syrie est une bonne chose. J'aurais aimé que le gouvernement français les appuie.» Ainsi, cette visite de parlementaires français constitue une première depuis la rupture des relations diplomatiques, décidée en mai 2012 conjointement par la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, l'Allemagne et l'Espagne. Ce déplacement va l'encontre de la ligne officielle française qui écarte toute reprise de dialogue avec le régime de Damas. Au contraire, Paris ne cesse de réclamer le départ du pouvoir de Bachar Al Assad.