Un attentat à la voiture piégée a visé, hier, l'ambassade de France à Tripoli, blessant deux gendarmes français et provoquant d'importants dégâts. L'explosion, survenue tôt le matin (vers 05h10 GMT), n'est pas le fait d'« un attentat suicide », a reconnu le chef de la sécurité à Tripoli, Mahmoud El-Charif, évoquant plusieurs menaces. Faut-il alors douter de la pertinence de la thèse algérienne, défendue en solitaire, plaidant le risque de déstabilisation régionale et la consolidation d'El Qaïda, surarmée, dans la région du Sahel de toutes les turbulences ? Dans ce qui aurait pu être un véritable « carnage », l'effet boomerang a laminé bien des certitudes. « C'est le premier gros attentat dans le cœur de Tripoli. Il y avait eu des incidents, mais pas un tel attentat depuis la libération », confie Jacques Myard, un député de l'UMP, en mission d'information sur le printemps arabe avec son collègue socialiste, Jean Glavany. Pour la première fois, la France, visée par le terrorisme en Libye, entend ne pas céder au chantage, fermement proclamé par le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, qui s'est immédiatement rendu sur place. Dans un communiqué, le président français, François Hollande, a indiqué que « cet acte vise, à travers la France, tous les pays de la communauté internationale, engagés dans la lutte contre le terrorisme ». Tout en réclamant que « toute la lumière soit faite », Hollande décrète la mobilisation générale. Le parquet de Paris se saisit de l'affaire. Un groupement du GIGN est envoyé sur place pour contribuer au renforcement de la sécurité. La prise de conscience de la menace terroriste est appréhendée par le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohammed Abdel Aziz, condamnant l'« acte terroriste contre un pays frère qui a appuyé la Libye durant la révolution ». Si, tout comme l'attaque de l'ambassade américaine à Tunis, le grave précédent du consulat de Benghazi a révélé la dérive djihadiste, tapie à l'ombre du « printemps arabe », l'attentat de Tripoli conforte la thèse de la sanctuarisation d'El Qaïda rêvant d'une afghanisation du Sahel. Faut-il établir un lien de causalité avec l'intervention française au Mali Le ministre de l'Intérieur libyen juge « prématurées » de telles conclusions. Mais, la guerre lancée contre Aqmi et son coreligionnaire, le Mouvement pour l'unicité et le djihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), délogées du nord du Mali et menaçant Paris de représailles à plusieurs reprises, accrédite l'hypothèse du passage à l'acte terroriste contre les intérêts français, dans un contexte de tension régionale.