La menace de l'organisation de l'Etat islamique en Libye représente un nouveau défi pour l'armée algérienne, déjà riche d'une grande expérience dans la lutte antiterroriste. Trois éléments rendent cette organisation particulièrement dangereuse, imposant de nouvelles stratégies de lutte. D'abord, l'EI s'organise comme une véritable armée très hiérarchisée, mobilisant des moyens technologiques importants. Deuxièmement, l'EI libyen adopte aussi comme mode opérationnel une guérilla saharienne très en pointe. En dernier, ce groupe terroriste semble faire sienne la stratégie américaine employée lors de la guerre en Irak, le «choc et l'effroi» (Shock and Awe) en utilisant par exemple une grande puissance de feu brutale ou faire exploser des kamikazes à bord de véhicules chargés de plusieurs tonnes d'explosifs ou encore, comme l'a bien copié l'EI libyen, attaquer de petites unités militaires avec une grande force pour démultiplier le choc psychologique. Les écrits de Daech sur les réseaux sociaux expliquent que le «calife» Abou Bakr Al Baghdadi a tenu à «installer» un saoudien, Abou Al Habib Al Jazraoui Al Saoudi, à la tête de «l'émirat» de Derna en Libye afin de transposer la gestion de l'organisation en Irak et en Syrie sur la branche libyenne. Nos sources sécuritaires indiquent que l'observation des agissements des chefs terroristes de l'EI libyen à Derna ou à Barqa, entre autres, a démontré qu'ils copiaient trait pour trait les méthodes politiques et militaires de Daech. L'EI en Libye compte beaucoup, en premier lieu, sur le recrutement de «combattants» étrangers, appelés les «mouhadjiroun» (comme en Irak et en Syrie), censés être plus déterminés à commettre des attentats (notamment kamikazes). En second lieu, la branche libyenne adopte la même stratégie que ses inspirateurs en Irak et en Syrie qui consiste à s'étendre territorialement en accaparant le maximum de richesses et de ressources financières et économiques. Invasion Le troisième élément de similitude reste cette tactique qui pousse à corrompre les tribus et les autres groupes armés locaux voisins. «C'est ce qui créé ce cumul de forces chez l'EI libyen, exactement comme c'est le cas pour Daech au Moyen-Orient», explique un expert militaire. «Du coup, nous ne sommes pas juste en face d'une guérilla islamistes, mais face à une organisation terroriste très bien organisée, dotée d'un important arsenal militaire, captant des milliers de recrues à travers toute la région nord-africaine et qui peut absorber les milices armées libyennes, ajoute notre source. Il s'agit d'une véritable armée qui veut envahir la Libye à partir des zones qu'elle contrôle.» «Guerria régulière» C'est cette tendance de l'EI à gagner le maximum de territoires qui le place en haut du classement des dangers, selon l'ANP, une prolifération géographique facilitée par les profondes dissensions des milices armées libyennes, comme c'est le cas dans l'ouest de l'ex-Djamahirriya. Cette guérilla en milieu désertique est héritée de l'expérience d'Al Qaîda et de Daech dans le désert d'Alanbar dans l'ouest de l'Irak, mobilisant des véhicules tout-terrain et des techniques de camouflage. Ces méthodes vont évoluer avec Daech, au stade qualifié par l'ex-général égyptien Talaât Meslem de «guérilla régulière», c'est-à-dire joindre la guérilla classique à l'organisation et à la puissance d'une armée. C'est cette nouvelle configuration, qui a mis en échec des armées faibles (Irak) ou éparpillées sur trop de fronts (Syrie) qu'étudient les experts de l'ANP pour faire face à la menace de l'EI libyen et appliquer de nouvelles tactiques de combat pour contrer toutes les tentatives d'intrusion brutale en territoire algérien.