Perchée sur le massif montagneux de l'Akfadou, en surplomb de Sidi Aïch, Tafat (Lumière en tamazight) est probablement, avec les éditions Flittes de Médéa, une des maisons d'édition les plus élevées en altitude. Mais pas seulement. Cette jeune maison entretient un catalogue d'ouvrages en histoire, anthropologie, mais aussi littérature et classiques de la philosophie. «Nos publications sont une brochette de coups de cœur où se mêlent des classiques bien établis : "L'art de la guerre", de Sun Tzu, "L'art d'avoir toujours raison", de Schopenhauer, "Le savant et le politique", de Max Weber, "La religion des Berbères", de René Basset ou bien "Où va l'Algérie ?", du défunt président Mohamed Boudiaf... De jeunes auteurs figurent aussi au catalogue qui regroupe une cinquantaine de titres», énumère non sans fierté Tarik Djerroud, qui gère cette édition depuis cinq ans. Cet amoureux des belles lettres, lui-même auteur de romans, s'est lancé dans l'aventure éditoriale en 2010 en louant le local de son père «pour un dinar symbolique». D'abord nommée Belles-Lettres, sa maison d'édition a pris sa vitesse de croisière grâce à la publication d'essais et de classiques du domaine public. Les ouvrages, reconnaissables par leur format, sont cédés à un prix très abordable, à partir de 200 DA (soit le prix d'un sandwich !). La collection s'enrichit en moyenne de dix titres par an, notamment grâce à des partenariats avec des éditeurs français tels que Lattès ou Stock. Du haut de son hameau, Tarik Djerroud est connecté sur le village mondial. Il se crée également, à force d'obstination, un bon réseau de distribution national parmi les libraires. Djerroud en profite, cela est bien légitime, pour publier ses propres œuvres telles que «Hold-up à La Casbah», «J'ai oublié de t'aimer», ou encore «Carnets de Kabylie». Le catalogue de Tafat est particulièrement riche en ouvrages liés à la culture et à l'histoire kabyle et amazighe : «Les Romains en Kabylie», «Les Turcs en Kabylie», «Tifinagh», ou encore l'excellent «Message de Jughurtha» de Mohand-Cherif Sahli. Parmi les précieux documents réédités par Tafat, notons également la réédition du «Miroir, aperçu historique sur la Régence d'Alger» de Hamdan Khodja, témoignage rare sur l'agression coloniale publié par un notable de la Régence d'Alger en 1833. Les «coups de cœur» du directeur de Tafat n'ont pas manqué d'attirer l'intérêt de nombreux lecteurs. Cette petite entreprise à taille humaine n'a pas les moyens d'éditeurs bien établis, mais elle se maintient grâce à une passion pour le savoir et la littérature que Tarik Djerroud affiche comme un credo : «C'est avec les mots qu'on fait de la résistance à l'injustice et la morosité de la vie».