Froid au dehors et chaud à l'intérieur. Au marché T'nach, structure datant du début du siècle dernier, à Belouizdad, les commerçants continuent à recevoir leurs clients dans un espace délabré que devait délocaliser l'APC. Mais ici, personne n'en fait cas; ni les revendeurs, qui ont refusé d'aller dans «les vieilles écuries» de la rue Rouchai Boualem, ni les clients, pressés de quitter les lieux.L'attention est portée sur les prix des fruits et légumes affichés par certains vendeurs. Tous les produits sont à plus de 60 DA. Commerçants et clients sont désabusés. «Les prix ont augmenté au marché de gros à cause de l'indisponibilité des produits. Les fellahs ne font plus de récolte et les transporteurs ne s'aventurent presque plus dans des régions isolées par le froid. Exceptés les produits de saison que nous vendons à 60 DA et quelquefois plus, tout est excessivement cher. La salade est à 150 DA, l'oignon est à 80/90 DA. La pomme de terre est vendue à 100 DA», énumère le jeune vendeur, qui estime qu'il n'écoule plus «comme d'habitude» sa marchandise. Même avis de son collègue, coincé dans son étal encombré de légumes. «L'offre a baissé ces dernières semaines. Le mal absolu vient des grossistes, qui préfèrent jeter le produit que de le vendre à un prix raisonnable qui arrangerait tout le monde. Nous prenons une marge qui n'excède pas 20 DA», précise ce quadragénaire qui fait remarquer que la hausse des prix se poursuivra. Même ambiance au marché Rédha Houhou (ex-Clauzel), à Sidi M'hamed. Les clients qui s'y «aventurent» sont conscients qu'ils vont devoir délier les cordons de leur bourse. «J'ai fait le tour du marché. Aucune marchandise n'est vendue moins de 80 DA. Les prix sont passés, en l'espace d'une semaine seulement, du simple au double. Je parle évidemment des produits de saison, qui en principe devraient être à la portée de tous. Les artichauts et les petits pois, qui sont des légumes de saison, sont vendus entre 150 et 200 DA le kilo. Même les moyennes bourses ne peuvent faire face à une telle flambée. Ce n'est pas normal que la pomme de terre soit cédée à 100 DA alors qu'une grande superficie lui est consacrée au Sud du pays et sur les Hauts-Plateaux», s'étonne Slimane, qui affirme qu'il n'arrive pas, avec sa modique «pension», à remplir son couffin. Froid et rapacité des spéculateurs Quelles seraient les raisons de la flambée de la mercuriale ? «La spéculation est la cause de tout. Il faut que l'Etat arrive à mater les spéculateurs qui sont la source de la flambée des prix», suggère ce sexagénaire, qui estime qu'«il est temps que l'Etat installe un organisme, non pas de surveillance, mais de régulation des prix». A l'UGCCA, on ne fait que constater. «Les dernières pluies ont provoqué la hausse des prix. Les agriculteurs ne s'aventurent pas dans leurs champs. A Sétif et Bordj Bou Arréridj, il est même impossible de faire les récoltes à cause du gel. La hausse s'explique aussi et surtout par la défaillance du réseau de stockage et des chambres froides. Le dispositif, tel qu'il est conçu, favorise la spéculation. Les produits stockés dans les chambres froides sont écoulés dans le circuit informel, une petite quantité seulement passe par les marchés de gros», constate le porte-parole de l'UGCAA, El Hadj Tahar Boulenouar, contacté par El Watan. La hausse se poursuivra-t-elle ? M. Boulenouar craint que la tendance haussière ne se poursuive dans les prochains jours. La raison ? Rareté des produits et spéculation. «Les produits de saison sont moins touchés, bien que la différence des prix entre le gros et le détail atteigne parfois 40, 50 et même 100%. Les prix de la pomme de terre ne connaîtront une baisse qu'à partir de mars», relève le porte-parole de l'UGCAA. Que font les services de l'agriculture et du commerce ? «Le dispositif Syrpalac est défaillant. Le réseau de vente est insignifiant, les semences n'arrivent jamais à temps ni en quantités suffisantes. Nous avons plusieurs fois réclamé un plan de cultures. Les responsables aux ministères de l'Agriculture et du Commerce doivent se concerter. Ils doivent sortir de leurs bureaux», suggère Boulenouar.