C'est parce qu'ils sont concernés par un handicap donné qu'une douzaine de jeunes artistes présenteront sur les planches du Théâtre national d'Alger, le 12 mars à 16h, la générale de la pièce Handicapé… mais, réalisée par Djamel Guerni. Qui mieux qu'un handicapé lui-même pour revendiquer ses attentes et ses espérances vis-à-vis de la société civile ? Douze artistes handicapés en herbe donneront la réplique à l'unisson, pour justement «cracher» au monde leur malvie, avec toutefois une dérision décapante. Mais avant la date fatidique de la générale, des répétitions au quotidien sont à l'honneur au TNA, et ce, depuis le 5 février dernier. Le 2 mars, nous avons assisté à l'une des ces répétitions. L'ambiance était plutôt bon enfant. Douze jeunes handicapés squattent la scène avec détermination. Qu'ils soient paraplégiques, unijambistes, non-voyants ou encore souffrant d'une malformation au niveau des membres supérieurs ou inférieurs, ils bravent le manque de transport personnel et le temps capricieux pour être à leur rendez-vous journalier au TNA. Ils sont, déjà depuis longtemps, en pleine séance de travail quand nous arrivons. Le sérieux est omniprésent. La complicité entre ces artistes du moment se devine en filigrane. Des liens d'amitié se sont tissés au fil des jours. Premier tableau de la pièce : une délégation de handicapés se rend chez le maire pour mettre sur la table leur priorité du moment. Imbu de sa personne, ce dernier leur conseille de se contenter de la fête qu'on organise à leur intention chaque année. Changement de direction. Ils sollicitent la présidente d'une association qui ne se montre pas coopérative. Des répliques virulentes mais empreintes de vérité se succèdent à volonté. Deuxième tableau. Des jeunes vaquent à leurs occupations de l'heure. Chacun égrène son temps à sa propre manière. Amina fredonne un air andalou. Sonia s'applique à sa broderie. Madjid clame en sourdine une poésie. Krimou est plongé dans la lecture d'un roman. El Hadi dessine. Chafik se dore au soleil avec son parapluie. Larbi lit son journal. L'ordre établi est soudain perturbé par un dealer aux intentions malsaines. D'une durée d'une heure, Handicapé… mais ne se veut pas une pièce théâtrale où l'on se morfond sur le sort des handicapés. Il s'agit d'une pièce qui revient sur la nécessité d'insérer ces personnes d'une manière efficace et effective dans la société. Le réalisateur Djamel Guerri précise qu'il a eu recours à la comédie noire pour faire passer un message. «On rit de la situation, mais on voit les choses comme elles sont. On pense aux handicapés deux fois par an, le 14 mars et le 3 décembre. A travers cette pièce, nous voulons que les handicapés se prennent eux-mêmes en charge.» Il est à noter que cette pièce de théâtre — écrite par Nabil Mohamed Rezak — est la première du genre en Algérie, dans la mesure où elle est jouée par des comédiens handicapés. Ces derniers bénéficient d'un atelier dirigé par les metteurs en scène, Djamel Guermi et Abbès Mohamed. Cette expérience gagnerait à être généralisée dans tous les théâtres du pays. Et pourquoi ne pas créer un festival professionnel dédié aux handicapés ?