Assis autour d'une grande table et entourés de professionnels du théâtre, surmontant leurs défectuosités respectives, les futurs comédiens préparent avec enthousiasme "Mouâaq Wa Lakin ..." (Handicapé, mais ...), une pièce de théâtre en projet dédiée aux personnes en situation de handicap. Visiblement pris dans l'élan de cette "belle aventure", Amina, Djamel, Krimo,Toufik, Aissa, Billel, Sonia et les autres, assistés par Larbi, un universitaire venu en renfort, se donnent la réplique sous le regard des encadreurs. Musicienne non-voyante, Amina Kettab, jeune femme au sourire radieux, a déjà opéré une reconnaissance des lieux, se concentrant sur les orientations des metteurs en scène pour travailler ses déplacements avec la complicité de Larbi. "C'est une véritable opportunité pour nous de pouvoir exprimer pour la première fois sur les planches ce dont sont capables les personnes aux besoins spécifiques", affirme Amina Kettab avec assurance. Les "lectures à l'italienne", premières lectures distribuées, déclamées autour d'une table et destinées à prendre connaissance du texte, réveillent déjà l'enthousiasme de ces comédiens débutants, sous l'objectif bienveillant de Hamza Kadri, un photographe professionnel chargé d'immortaliser les étapes du projet. Les deux metteurs en scène, tentant de créer des situations de jeu et mettre le texte en mouvement, prodiguent au groupe quelques enseignements sur les intonations à donner à chaque réplique, insistant sur la prise en charge du partenaire. "J'ai beaucoup de chance d'intégrer cette équipe, je ferai tout pour me faire accepter par mon personnage", réplique Djamel déjà en place pour reprendre une scène. "Mouâaq Wa Lakin..." est une première dans l'histoire du 4e art algérien dans la mesure où tous les rôles sont assumés par des comédiens handicapés, pris en atelier de formation par le duo de metteurs en scène, Djamel Guermi et Abbès Mohamed Islam auxquels le projet est confié. L'art pour sensibiliser sur le handicap "Ce spectacle vise à sensibiliser, dans une vision artistique sur la nécessité d'une intégration totale et effective de cette frange de la société ", explique Djamel Guermi à l'APS. Chérif Chikh Echioukh, régisseur général du spectacle, veille sur le bon déroulement des répétitions et les besoins logistiques de la pièce, alors que dans un coin de la scène, le chorégraphe Riadh Beroual, tente de titiller sa muse en simulant des déplacements à la cadence irrégulière avec les béquilles de Djamel (un unijambiste sans prothèse). "La chorégraphie dans un tel projet va consister à adapter le corps au texte et à l'espace scénique de manière à optimiser le travail de la gestuelle et des déplacements selon des normes esthétiques", explique Riadh Beroual. Avec l'ensemble des comédiens assis à même le sol, le chorégraphe travaille sur la découverte du corps par la suggestion d'une série de mouvements lents, de rampements, de glissements latéraux et de roulades. Il s'agit du premier tableau, au tout début de la scène d'exposition (première scène d'une pièce de théâtre). Quelques textes poétiques de Madjid Ourabah, homme au képi de treillis, couleur terre, tétraplégique sur fauteuil roulant, sont déclamés. Leur puissance et leur profondeur dénote d'une plume percutante qui met à nu le regard discriminatoire de l'autre. Ecrite par Rezzak Mohamed Nabil, secrétaire général de la Fédération nationale des handicapés, et produite par le Théâtre national algérien (TNA), la pièce "Mouâaq Wa Lakin..." sera présentée au Tna le 14 mars prochain, à l'occasion de la Journée nationale des handicapés. Abbes Mohamed Islam, s'adressant aux comédiens débutants, assure simplement qu' "avec la volonté et le travail, les résultats seront au rendez-vous le jour de la représentation".