Dans cette affaire, des noms et des non-dits suscitent de lourdes interrogations, d'autant que le tribunal criminel est tenu de se limiter au contenu de l'arrêt de renvoi. Ces interrogations concernent surtout ce système de corruption mis en place par de hauts responsables algériens pour saigner le Trésor public. Tadj Eddine Addou et Mohamed Khelladi (directeur des nouveaux projets), en détention, avaient donné une esquisse de cette organisation, créée dès 2005, autour de Boussaïd Nasreddine dit Sacha, qui avait séjourné près d'une année à Pékin (2005). Le groupe était constitué de l'ancien ministre des Affaires étrangères Mohamed Bedjaoui, ses deux neveux Réda et Farid, Mejdoub Chani et Tayeb Kouidri, représentant de Amar Ghoul, ministre des Travaux publics, mais aussi des responsables du groupement chinois Citic-CRCC, tous sous la direction du Franco-Angolais Pierre Falcon (condamné en 2009 pour un trafic d'armes à destination de l'Angola, ndlr), chargé des intérêts de la Citic en Afrique. Sur chaque situation financière payée par l'Algérie, une commission de 20 à 30% aurait été versée (à PEkin) à Pierre Falcon, qui se chargeait de distribuer une partie de cette manne aux membres de son réseau, dont Chani Mejdoub. Très introduit, Pierre Falcon possède un carnet d'adresses bien fourni. Lors d'une de ses dernières visites, il avait été reçu par Mohamed Bedjaoui, qui était encore ministre des Affaires étrangères, et Amar Ghoul. La technique de corruption est de faire en sorte que les commissions soient incluses dans les prix unitaires de la soumission présentée par les Chinois. Dans le dossier, nous apprenons que Chani Mejdoub avait lui aussi cité ce Sacha qu'il aurait rencontré à Paris, sur recommandation de l'ancien ministre des Finances, Abdellatif Benachenhou, afin de solliciter son aide pour l'ouverture d'une banque d'investissement avec des capitaux étrangers. Mais quelques jours plus tard, le même ministre lui a demandé de le rejoindre à Paris pour exiger de lui de couper tout contact avec Sacha. Et c'est durant cette entrevue qu'il lui fera part de cette information hallucinante de la tenue d'un conseil interministériel consacré au projet de l'autoroute Est-Ouest, qui devait réunir les ministres des Affaires étrangères Ahmed Bejaoui, des Travaux publics Amar Ghoul, de l'Energie Chakib Khelil et lui-même en tant que ministre des Finances, mais aussi Pierre Falcone et Sacha, pour discuter des modalités de financement. La réunion aurait eu lieu en l'absence de Chakib Khelil et Benachenhou, qui voyaient mal la présence d'un étranger à un conseil interministériel, mais n'a abouti à rien. Autant d'informations que l'enquête judiciaire n'a pas approfondies, pour ne pas dire qu'elle a abandonnées en cours d'instruction.