Alors que les efforts de la communauté internationale se multiplient pour faire face au terrorisme, ce fléau gagne de nouveaux espaces dans la région du Sahel et occupe carrément des territoires. Le groupe Boko Haram, qui était cantonné dans quelques villages du nord du Nigeria, a étendu de manière préoccupante ses activités à plusieurs pays, déjà confrontés aux activités terroristes, à la grande criminalité, mais aussi aux problèmes de sous-développement. De par sa position géostratégique, l'Algérie n'échappe pas à cette menace, aggravée par la situation chaotique en Libye et la crise malienne, suscitant une stratégie sécuritaire importante au niveau des frontières aussi bien avec la Tunisie qu'avec la Libye, le Mali, le Niger et la Mauritanie. Ce dispositif mobilise depuis des mois, voire des années, des moyens humains et matériels colossaux. Même si pour l'instant, il semble donner des résultats en matière de lutte antiterroriste, à travers le bilan des unités de l'ANP en termes d'arrestation de suspects, de récupération d'armement, de saisies de quantités de produits alimentaires et carburants, il n'en demeure pas moins que le risque zéro n'existe nulle part et que les incursions peuvent surprendre à n'importe quel moment vu les moyens dont disposent aujourd'hui les terroristes, les contrebandiers, les narcotrafiquants et les trafiquants d'armes. Et ce n'est certainement pas un hasard si l'assemblée plénière du groupe de travail sur le renforcement des capacités de lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel, entrant dans le cadre des activités du Forum mondial de lutte contre le terrorisme, tient, depuis hier, sa troisième réunion à Alger. Durant les deux jours de travaux à huis clos, les participants et représentants d'organisations internationales venus d'une trentaine de pays passeront en revue la situation sécuritaire dans la région du Sahel avec ses défis au Mali, en Libye, et les risques associés au groupe Boko Haram et à AQMI. Ils aborderont le phénomène des combattants terroristes étrangers et débattront aussi sur «Les défis de la sécurisation des frontières» avec une attention particulière sur «le trafic de drogue et d'armes, le terrorisme, la collecte et le partage des renseignements et la densification de la coopération». Profitant de cette occasion, Abdelkader Messahel, ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, a mis en exergue les menaces qui pèsent sur la région en général et l'Algérie en particulier. Dans son discours inaugural, l'accent a été mis sur cinq points dits essentiels. Depuis la dernière réunion du groupe de travail sur le Sahel, a-t-il précisé, «la menace n'a pas faibli, bien au contraire. A l'échelle globale, les groupes terroristes se multiplient. Ils gagnent de nouveaux espaces et occupent maintenant des territoires. Ils soumettent à leur diktat et à leur barbarie des populations civiles. Ils arrivent à recruter en nombre et à mobiliser d'importants fonds. Ils disposent de facilités d'armement. Ils exploitent à leur avantage les nouvelles technologies de l'information et exploitent les faiblesses de certains Etats et des failles de la coopération internationale». Messahel met en garde : «Chaque pays est un théâtre ou une cible potentiels de leurs menaces et de leurs actes criminels. Aucun n'est à l'abri de leurs visées», citant comme exemple «les terribles drames qui viennent d'endeuiller les peuples tunisien et yéménite» qui selon lui «illustrent les crimes dont ces groupes sont capables». Dans la région du Sahel, souligne le ministre, la menace est très élevée : «L'étendue des actions et des horreurs commises par Boko Haram est préoccupante.» Et d'appeler la communauté internationale à soutenir «pleinement» les efforts de l'Union africaine et les pays de la région dans leur lutte contre Boko Haram, en précisant que les travaux de la troisième réunion du groupe Sahel, qu'il a ouvert à Alger, «participent de la réponse globale à donner à la menace tout aussi globale». Le deuxième point abordé concerne les moyens de traduire les progrès enregistrés dans le domaine de la lutte antiterroriste «en des programmes et instruments effectifs de coopération bilatérale, régionale et internationale». M. Messahel reconnaît que la mobilisation internationale contre le terrorisme s'est affermie et permet aujourd'hui une approche plus ciblée du fléau et de ses ramifications. Il en est ainsi des sources de financement du terrorisme, des causes et des voies de radicalisation, des filières de recrutement et d'enrôlement dans les groupes terroristes, du traçage et de la gestion des combattants étrangers, ou encore de la sécurisation des frontières, de la collecte, du partage en temps utile du renseignement… Ces situations de conflit qui nourrissent le terrorisme Le troisième point évoqué par Messahel est lié au contexte dans lequel le terrorisme évolue. Il est établi, dit-il, que «ce phénomène se développe dans les situations de conflits et de chaos. Le combattre efficacement impose aussi l'urgence de trouver des solutions politiques aux situations conflictuelles que celui-ci exploite à son avantage». «Œuvrer à la solution de ces risques et conflits par la voie pacifique et le recours au dialogue revient à priver les groupes terroristes de l'environnement chaotique qu'ils privilégient. Au Sahel comme en Syrie, en Libye et ailleurs, la lutte contre le terrorisme sera fortement prise en main par l'avènement rapide de solutions politiques négociées aux conflits et crises qui y sévissent. La solution politique isole les groupes terroristes, dévoile leur véritable nature et leurs objectifs et permet la mobilisation des ressources disponibles pour mieux le combattre», affirme Messahel. Le quatrième point concerne le rôle du développement socioéconomique dans la stabilisation des pays, parce que, explique-t-il, «la pauvreté et la religion n'ont jamais justifié le terrorisme. Néanmoins, l'absence de développement et la pauvreté sont des terrains que les terroristes exploitent pour justifier et recruter. Ils rendent de nombreux jeunes vulnérables au pouvoir financier et aux discours extrémistes des recruteurs». Enfin, le cinquième point sur lequel le ministre a insisté est cette relation «entre le terrorisme, le trafic de drogue et le crime organisé transnational, qui se renforcent d'ailleurs mutuellement, suscitant la nécessité d'affirmer et d'organiser davantage la lutte contre ces fléaux». En ce qui concerne l'Algérie, Messahel rappelle les actions menées et qui s'inscrivent, selon lui, dans le voisinage immédiat en raison des risques qui pèsent sur les frontières. Il cite «la création du Comité d'état-major opérationnel conjoint (Cémoc), l'Unité de fusion et de liaison (UFL) et le processus de Nouakchott, des cadres régionaux de concertation et de coordination qui répondent au besoin partagé de mieux organiser la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée transnationale et de sécuriser et stabiliser les zones frontalières».