Tbahdila !» «Ils nous foutent la honte !» fulmine un militant associatif participant au Forum social mondial (FSM). Des mots d'exaspération que l'on n'a eu de cesse d'entendre depuis notre arrivée à Tunis, agrémentés d'un chapelet de récriminations. Celles-ci visent la délégation «officielle» algérienne, forte de 1200 membres issus de quelque 650 associations et qui, malheureusement, s'est davantage illustrée par ses écarts de conduite que par sa participation active aux débats qui émaillent le forum. Se baladant, pour la plupart, en casquette floquée du drapeau national, ils se signalent le plus souvent aux cris de «One two three, viva l'Algérie», le drapeau bien mis en évidence. Et à force de le scander à tout-va, notre slogan fétiche a fini par perdre de sa saveur. Davantage encore lorsqu'il est associé à des comportements indélicats. Dès l'ouverture du forum, lors de l'assemblée générale des femmes, un groupe issu de cette délégation avait perturbé les travaux, une attitude qui reviendra dans nombre d'ateliers, débats et conférences au nom de la défense de la cause sahraouie. Ecarts de conduite Alors, certes, les membres de la délégation marocaine ne sont pas tous des enfants de chœur, mais le fait est là : la délégation algérienne fait parler d'elle, et en mal. Plusieurs vidéos circulent sur les réseaux sociaux, donnant à voir des gestes aux antipodes de la posture éthique et politique d'un rassemblement altermondialiste. «Ils ne font que traîner et danser du matin au soir», lâche un activiste antigaz de schiste en pointant un sérieux problème de «casting» dans le choix des participants, surtout quand on connaît la teneur des débats ici, tous plus pointus les uns que les autres. Une militante féministe bien de chez nous regrette, pour sa part, «l'abus de folklore» dont font preuve les «nôtres». D'ailleurs, l'un des rares domaines où nos compatriotes se seront montrés à leur avantage, à en juger par la curiosité qu'ils suscitent, c'est quand une troupe folklorique aux couleurs nationales a gratifié le public d'une danse aux sons du karkabou. Sauf que, pour une délégation de 1200 personnes, l'une des plus importantes du forum, force est de convenir que c'est assez maigre comme contribution. Les attitudes survoltées de la délégation algérienne, qui ont été confondues vidéos à l'appui, ont obligé les organisateurs à les rappeler sévèrement à l'ordre dans un point de presse improvisé vendredi à l'hôtel Africa. Le scandale a poussé les associations et collectifs algériens autonomes à se fendre d'un communiqué (dont El Watan a obtenu une copie) pour dénoncer ces mêmes agissements et se démarquer de la délégation officielle. A noter que pas moins de 17 associations ont signé ce texte, dont RAJ, la LADDH, Tharwa Fadhma N'soumer, Agir pour la démocratie en Algérie, Agora, le Groupe antigaz de schiste d'Oran (GASO), Femmes plurielles, Coordination nationale pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC), Action citoyenne pour l'Algérie (ACA), Comité populaire contre le gaz de schiste en Algérie ou encore le Mouvement culturel amazigh des Aurès. Table ronde émaillée d'incidents «De très graves incidents ont marqué la table ronde ‘‘Résolution des conflits pour l'unité du Maghreb'', qui s'est tenue jeudi dernier, au second jour du Forum social mondial 2015 de Tunis», rapportent les auteurs du communiqué. Des éléments, en force, se réclamant de la «société civile» algérienne, ont eu un comportement violent à l'égard d'intervenants et de participants, empêchant le débat de s'instaurer. A la fin de la table ronde, un membre du comité d'organisation a été violenté et un participant a été agressé physiquement. Ces éléments, constitués en véritable commando, affublés de drapeaux et de casquettes aux couleurs algériennes, ont entravé en permanence le débat. Il est fait état, aussi, d'«agissements et d'agressions par ces mêmes éléments lors d'autres rencontres et même contre des stands d'associations algériennes», relève le communiqué. «Ce comportement est contraire à la charte des Forums sociaux mondiaux et à leur esprit, caractérisé par la liberté d'expression et le refus de la violence et des discours haineux. Ces éléments ne représentent en aucun cas la société civile algérienne et donnent une image détestable de notre pays», déplorent ces associations. «Ces agissements sont d'autant plus condamnables que nous avons constaté une participation importante et remarquable de collectifs algériens à ce Forum social mondial», regrettent-elles encore. Par cette position, les auteurs du communiqué ont tenu à condamner «fermement les responsables de ces agissements, dignes des pratiques de ‘‘baltagias''» tout en se désolant que ces attitudes «viennent entacher une participation algérienne forte et inédite». Enfin, ces représentants de la société civile s'engagent à poursuivre leur combat «pour que, en Algérie même, ce genre de rencontres, de débats contradictoires, d'espaces d'expression libre, de société civile indépendante et autonome ne soient plus empêchés par les autorités algériennes». Selon certaines indiscrétions, l'affaire aurait pris des proportions telles que les hautes autorités tunisiennes en auraient été saisies, et une plainte aurait même été déposée contre les auteurs de ces violences.