Cannabis, cocaïne ou héroïne. Les services de sécurité énumèrent régulièrement les quantités saisies de ces drogues. Mais aujourd'hui, le danger vient surtout des antidépresseurs dont l'usage est détourné. «C'est incroyable le nombre de jeunes filles qui prennent ces pilules-là et qui mettent leur santé en danger sans que cela n'inquiète personne !» De retour de Tamanrasset, cet artiste s'inquiète : la volonté de correspondre aux canons de beauté pousse de plus en plus de jeunes femmes à avaler des médicaments, sans nécessité médicale, pour grossir. Au mois de janvier, une jeune fille est hospitalisée pour une encéphalite, une inflammation grave du cerveau, après avoir pris l'une de ces pilules. Les statistiques de la DGSN indiquent que le trafic de comprimés est en hausse. Dans son rapport annuel sur l'activité de la police de la wilaya, l'inspecteur régional de la police du Sud, Zaghez Sami, pointe une augmentation du nombre des saisies. «Les quantités de drogue saisies durant l'année 2014 s'élèvent à 27,90 kg, en plus des 77 211 comprimés de psychotropes et 92 793 comprimés de médicaments nocifs pour la santé», a-t-il déclaré. Dans la wilaya de Tlemcen, 300 000 comprimés de psychotropes ont été saisis par les Douanes en 2014 et plus de 100 000 dans la wilaya de Ouargla. Le 3 février dernier, un jeune homme a été arrêté dans la ville d'El Eulma (Sétif). Connu pour être un petit trafiquant de drogue, il avait dans ses poches ce jour-là près de 3000 comprimés d'antiépileptiques. A M'sila, les anxiolytiques sont utilisés comme hallucinogènes et des antidépresseurs mélangés à de l'alcool comme excitants. Un comprimé coûte à peine 300 DA. Les antiépileptiques, comme le Tegretol, permettent à de jeunes consommateurs d'obtenir un effet immédiat à bas coût. «Rares sont ceux qui consomment des drogues dures comme l'héroïne, affirme un médecin, ils cherchent coûte que coûte un produit de substitution : sniffer de l'alcool chirurgical à 90% ou de la colle dans un sachet de lait peut faire l'affaire de certains. En prison, quelques-uns fument des cafards pour avoir le même effet.» Selon le directeur général de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, Mohamed Benhalla, «les substances psychotropes saisies par les forces de sécurité prouvent que les trafiquants de drogues font transiter ces substances par les pays du Sahel, passant par les frontières sud du pays à destination des pays de l'Europe». Mais certains observateurs sont dubitatifs : «Il suffit de piquer une ordonnance à un malade pour se procurer des antidépresseurs ou des antépileptiques», lance un médecin d'un hôpital public du centre du pays. Ainsi en est-il pour les comprimés de Subutex, indiqués pour traiter la dépendance aux opiacés. Sept personnes ont été arrêtées en janvier à Alger pour avoir organisé un trafic depuis la France vers Annaba, puis vers la capitale, où le produit, plus demandé, se vend plus cher.