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Témoignages
Publié dans Le Temps d'Algérie le 19 - 02 - 2010

Lyes, 26 ans, célibataire, sans emploi Il est arrivé en traînant ses jambes lourdes, il est issu d'un milieu aisé. Il a commencé la consommation de la drogue à Moretti, la plage de la résidence d'Etat de Club des pins. «Je me suis fait piéger par une bande de copains qui insistait à chaque occasion que je goûte. Ensuite de jour en jour la dépendance a commencé à prendre le dessus sur moi.»
Il a fumé son premier joint à l'âge de 22 ans, mais très tôt il abandonne le cannabis qui n'avait aucun effet sur lui. «En été 2008, je retrouve mes copains ignobles qui me proposent de prendre du Subutex (la buprénorphine : médicament utilisé dans le traitement substitutif à la dépendance aux opiacés. C'est un agoniste partiel des opioïdes et antagoniste des récepteurs des opioïdes).
La première fois où j'ai mis un quart de ce comprimé dans ma bouche je me suis senti le roi de la plage et j'ai commencé à danser, ensuite je suis passé à 3 parfois à 4 comprimés par jour, ce qui équivaut à 10 000 DA par jour.» Il faut savoir qu'un seul comprimé de Subutex coûte 2000 DA. Lyes ne s'est pas limité à cette drogue, il a opté encore, sous la pression de ses «copains», à ce qu'on appelle «tchoutchna», une sorte d'héroïne qui se vend 10 000 DA/g.
A ce sujet, il nous fait savoir qu'il faisait une collecte d'argent pour acheter le sésame de l'évasion qu'ils sniffent en groupe. «L'achat de la tchoutchna ou de l'héroïne se fait auprès des ressortissants africains qui l'emmènent dans leurs ventres en traversant par route nos frontières», nous informe Lyes. Au bout de deux ans, ce jeune homme est devenu un corps sans âme. «A force de me droguer et surtout quand j'ai commencé à m'injecter du Subutex, je suis devenu une autre personne. Je me suis retrouvé sans travail, sans ressources, je me suis complètement lâché.
Je suis devenu muet, je ne parle à personne et je suis écarté de tous, même des membres de ma famille qui ne comprenaient pas le pourquoi de mon attitude. Je me retrouve dans ma chambre à pleurer toutes les larmes de mon corps. J'étais prisonnier dans les cellules de la drogue.» Enfin, Lyes a bien voulu transmettre un message aux jeunes qui se lancent sur ce «chemin» : «Je vous en prie, (il l'a répété cinq fois) évitez ce fléau car c'est une mort de chien qui s'en suivra. Et vous n'aurez rien gagné ni durant votre vie ni après votre mort.»
Sofiane, 33 ans, marié et père d'un enfant, barmanSofiane est né en France et a toujours vécu dans ce pays où il exerce le métier de barman. Sofiane n'est pas dépendant de cannabis, de Subutex ou autres, il est alcoolique.
C'est un récidiviste, il a séjourné pendant 21 jours à Blida et s'en est sorti. Mais dès que ses pieds ont touché le sol français, ce père de famille se pointe dans un bar et reprend ses habitudes. «A ma sortie de l'hôpital, je me sentais vraiment bien, j'ai retrouvé ma liberté, ma femme et mon fils de 3 ans.
Mais dès notre retour en France, j'ai recommencé à boire et le jour même ma femme a alerté le Dr Habibeche qui a demandé mon transfert en Algérie et je suis là encore.» Ce qui a poussé Sofiane à la bouteille est son travail et il a conscience de cela. D'ailleurs il nous a confié : «Je ne reprendrai jamais ce boulot qui a détruit ma vie, je veux revivre et voir mon enfant grandir, et je veux surtout rester dans mon pays et y vivre.» Le message de Sofiane est aussi percutant que son camarade de chambre Lyes :
«La boisson est la mère de tous les vices, je conseille aux jeunes de fuir ce chemin car il est sans issu. A 33 ans, je considère que ma vie est déjà partie en fumée.»
Fouad, 26 ans, célibataire, marchand ambulantFouad a battu tous les records, cigarette et tabac à chiquer à 8 ans, Patex à l'âge de 12 ans et drogue à 15 ans. Ce jeune homme d'El Eulma, dans la wilaya de Sétif, a goûté à toutes les drogues. Il a commencé par le cannabis qu'il consommait la nuit avant de plonger dans d'autres drogues dures. Ce jeune homme timide trouve du mal à discuter avec ses clients, notamment la gent féminine devant laquelle il rougit. Pour parer à cette timidité, Fouad s'est mis au Rivotril, au Lartan. Mais après quelques semaines, Fouad se retrouve dépendant de ce «médicament» qu'il paye au prix fort.
Au jour le jour, le jeune voit sa santé se dégrader. «C'est vrai que ces médicaments me donnent du courage, je me sens très fort, je peux parler à l'aise. Mais dès que l'effet de la drogue disparaît je redeviens comme un fou. J'imagine des choses et je vois que les gens ne regardent que moi», explique Fouad. «J'avais un comportement d'un fou, j'ai arrêté le travail, et je ne bougeais pas de ma chambre. Ensuite mes parents ont décidé de me ramener ici. Et là je me sens mieux», a-t-il conclu.
Naïma, 37 ans, célibataire, femme au foyer, décédéeNaïma a rendu l'âme il y a une semaine environ, elle est morte d'une crise cardiaque suite à une overdose de Subutex qu'elle dilue dans de l'eau avant de se l'injecter dans les veines. «Naïma est morte à cause du célibat, elle n'en pouvait plus, elle s'est fiancée avec un jeune homme qui est mort suite à un accident de la circulation à deux semaines du mariage», raconte sa belle-sœur qui est venue rendre visite à son mari drogué.
C'est une famille très connue dans la vente de drogue. Ils sont trois frères et tous des trafiquants et des vendeurs de drogues. Du cannabis, à l'héroïne en passant par les comprimés. Naïma a commencé à se droguer en fumant du cannabis, mais avec le temps cette substance ne suffisait plus.
Du coup elle s'est versée dans les cachets, mais là aussi ça n'a pas trop duré. Puisque l'effet des comprimés n'est pas fort. «La marchandise existe, elle se sert du stock de ses frères», nous apprend sa belle-sœur.
La jeune femme a commencé par prendre un quart de Subutex en injectable, mais de plus en plus le corps demandait davantage. Après trois semaines, elle est passée à un demi-comprimé et au bout d'un mois elle s'injectait un comprimé en entier. Son corps n'a pas supporté et son cœur a lâché. Elle est morte de chagrin et de célibat», conclut-elle en larmes.
«Je vous assure que les gens qui commercialisent ces substances payeront un jour ou l'autre, quand vous avez un mari ou un proche drogué, sachez que vous allez arrêter de vivre. Je demande aux jeunes de cesser de se droguer car cela ne mène à rien.»
En somme, ce sont des centaines de familles qui se retrouvent dans l'impasse à cause d'un enfant séduit par l'illusion, par la fuite en avant et par le rêve éphémère. Ce sont souvent les parents qui se retrouvent endettés, en soignant des enfants qui n'ont aucune maladie, mais qui se sont versés dans l'absurde, par erreur, par curiosité ou autre.
Mais rien ne justifie une telle dépendance. L'appel est lancé, les exemples sont en milliers et les conséquences sont douloureuses. Un seul mot : la drogue c'est à éviter ou encore à ne jamais toucher.


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