La cité Ibn Rochd est l'exemple parfait des quartiers-dortoirs, hideux et sans conception urbanistique qui caractérisent depuis des décennies la ville de Souk Ahras. Les chantiers situés au niveau des lotissements, réactivés parfois pour êtres très vite oubliés, donnent à cette cité de la périphérie l'allure d'un village en éternelle construction. Sa rue principale, étroite, sinueuse et sans commodités est un modèle de mauvaise conception. La concentration anarchique des constructions est la cause de la promiscuité, l'absence d'une place publique et des espaces verts, le mépris des normes d'aménagement, à savoir le respect de la distance réservée pour les trottoirs, la viabilisation et l'entretien des chaussées et quelques allées non encore bitumées. Constat peu glorieux, où plusieurs facteurs se sont mis de la partie pour engendrer cet immense gâchis où d'autres problèmes liés à l'environnement et au cadre de vie des citoyens sont légion. Les fuites d'eau qui y sont fréquentes transforment quelques rues en véritables patinoires alors que l'éclairage public demeure malgré les efforts en deçà des besoins. L'existence des bennes à ordures implique cependant quelques citoyens dans le phénomène des immondices qui jonchent le sol à longueur d'année et à l'origine, avons-nous constaté de visu, des odeurs nauséabondes et de la prolifération des moustiques et des rongeurs. Les citoyens que nous avons eu l'occasion de questionner ont été unanimes quant aux conditions précaires dans lesquelles ils vivent. Le chômage y a atteint des proportions alarmantes d'où « un taux élevé des mendiants résidant dans cette partie défavorisée de la ville », nous a déclaré un commerçant d'Ibn Rochd qui a par ailleurs confirmé l'existence de « flibustiers ». N'empêche que les signes de misère sont apparents dans ce quartier tentaculaire où des centaines de jeunes, dont des universitaires, arpentent à longueur de journée les rues et regardent s'égrener les jours sans changement aucun de leur situation. « Je n'arrive toujours pas à décrocher un poste d'emploi malgré une licence en droit et une expérience moyenne dans une boîte privée », lance A. B., chômeur en charge d'une famille nombreuse. Plusieurs de ses demandes sont restées lettres mortes. Parler du transport dans cette partie de la ville, c'est encore remuer le couteau dans la plaie et mettre à nu les carences d'un secteur contre lequel tout le monde peste à Ibn Rochd. Apres avoir été desservie pendant les années 1990 et jusqu'à l'année 2002 par de vieux tacots, la ligne Ibn Rochd-Bir Youcef subit aujourd'hui le monopole des transporteurs privés notamment les propriétaires des fourgons (J9). Ces derniers et sans aucun respect pour les usagers refusent souvent de quitter la station avant de faire le plein s'offrant parfois des stationnements en plus des arrêts facultatifs pour mieux arrondir les recettes. Des usagers s'adonnent eux-mêmes à la criée pour éviter une attente qui peut atteindre des heures. A l'autre bout du trajet, c'est une foule compacte qui attend paradoxalement l'arrivée des fourgons. Au-delà de 20 heures, les fourgons cèdent leur place aux clandestins devant un inexplicable absence des taxis.