Croissance démographique et croissance économique. Comment peut-on appréhender cette problématique ? La question est importante. Il y a effectivement une forte relation entre la croissance économique et la croissance démographique. Si la croissance démographique n'est pas nourrie par une croissance économique plus forte, elle entraînera un appauvrissement du pays. Il faut rappeler que l'Algérie avait l'un des taux de croissance démographiques parmi les plus élevés du monde au cours de la décennie 1970, et malgré une croissance économique élevée à cette époque, les résultats d'ensemble ont été faibles ou rapidement affaiblis par la poussée démographique. A tel point que de nombreux économistes avaient affirmé à l'époque que les bienfaits du développement réalisé ont été annulés par la croissance démographique trop forte. Une forte croissance démographique génère des besoins immenses en termes d'éducation, de santé, de consommation, de logement et à terme d'emplois. Si la croissance économique n'est pas au rendez-vous, comment financer la couverture de ces besoins ? Justement, en se basant sur les derniers chiffres de l'ONS sur la démographie, peut-on anticiper sur la hausse de la consommation ? Pour ne retenir que la question de la consommation des ménages, il y a lieu de savoir que l'Algérie, du fait de sa démographie et de l'irrégularité de son économie, a connu trois grandes périodes. Quand on calcule la consommation par tête d'habitant en dollars constants de 1970 à 2013, on obtiendra une courbe sous forme d'un grand N. Entre 1970 et 1985, il y a eu une croissance globale de presque 100%. La consommation par habitant a presque doublé au cours de cette période. Mais ce pic atteint en 1985 n'a été rattrapé par la suite qu'en 2009 ! Après 1985, on sait qu'il y a eu la crise de 1986 avec la chute brutale du prix du pétrole qui a généré une forte crise économique et sociale dans le pays, entraînant une chute de la consommation des ménages de 28% entre 1985 et 1997. La consommation de 1997 était égale à celle de 1976, soit un recul de vingt ans. A partir de cette dernière date, la courbe s'est redressée vers la hausse. La consommation par tête d'habitant de 2013 est à peine supérieure de 16 % à celle de 1985. Avec une croissance démographique qui repart à la hausse et une économie qui n'enregistre pas une forte croissance, le retournement de la courbe de la consommation des ménages est encore possible, ce que personne ne peut souhaiter bien entendu. Pour illustrer ces propos, prenons le cas de l'Egypte. Elle avait 40 millions d'habitants en 1975 et avait atteint les 82 millions en 2013. En 1976, le niveau de consommation par habitant de l'Algérie était très élevé par rapport à celui de l'Egypte (soit 2,40 fois). En 2013, il ne le dépassait que de 6%. L'Egypte, malgré sa croissance démographique a connu une croissance régulière de la consommation par habitant, sans retournement, qui l'a amenée au niveau de l'Algérie depuis déjà quelques années. Cette comparaison met en relief la consommation moyenne par habitant. Elle ne tient pas compte des inégalités de consommation entre les ménages. Les données montrent que l'inégalité des groupes sociaux est beaucoup plus forte en Egypte qu'en l'Algérie. Comment l'Etat doit-il appréhender les défis imposés par cet accroissement démographique au vu de l'état actuel de l'économie ? L'enseignement le plus important qu'on peut tirer de ces données est qu'une croissance démographique forte n'est pas une fatalité. Les pouvoirs publics ne doivent pas abandonner une politique de régulation des naissances sous toutes les formes qu'elle a déjà connues en Algérie. Une démographie non maîtrisée et une économie à faible croissance signifient à terme un appauvrissement de la population, ou du moins d'une grande partie de celle-ci. Malheureusement, les débats en matière de politique économique, quand ils ont lieu, ignorent ou feignent d'ignorer la question démographique. Les démographes avaient parlé de transition démographique pour l'Algérie qui a enregistré un faible taux de croissance de la population, soit 1,31%, en 2002. Mais ce taux est reparti à la hausse assez rapidement pour atteindre 2,15% en 2014, soit presque le niveau enregistré en 1993 !