Croissance démographique d'un côté, faible croissance économique de l'autre. Avec plus de 40 millions de bouches à nourrir dès l'année prochaine, les responsables du pays seront confrontés dans les prochaines années aux besoins croissants d'une population plus nombreuse. Nourrir plus de monde avec moins d'argent dans les caisses dans un contexte où les hydrocarbures resteront la principale source de revenus extérieurs pour le pays constituera un véritable casse-tête. «Le coût du développement pour 40 millions d'habitants n'est pas le même que pour 20 millions», observe l'économiste Abderrahmane Benkhalfa. Et avec une économie dont les relents sociaux sont prononcés, l'impact est considérable. «Plus nous serons nombreux, plus le coût des subventions sera élevé, et plus il sera difficile pour le budget de l'Etat de le prendre en charge». Selon l'office national des statistiques (ONS), l'accroissement naturel de la population a presque doublé sur les quinze dernières années et le taux brut de natalité est passé de 19% à 26%. Cet accroissement s'est jusque-là fait au détriment des déséquilibres régionaux. La densité de la population sur la bande littorale s'accroît beaucoup plus vite que la densité nationale. Sur la décennie 1998-2008, la densité nationale est passée de 12 à 14 habitants au km2, alors que dans les wilayas du littoral elle est passée de 244 à 274 hab/km2. Le fort accroissement d'une population peut parfois être considéré comme un frein au décollage économique. Cela était le cas pour l'Algérie après l'indépendance. Pression sur le marché du travail, du logement, sur les besoins alimentaires, énergétiques, etc., une population plus nombreuse engendre «des exigences nouvelles et plus grandes», estime M. Benkhalfa. En revanche, «la baisse de la natalité accroît initialement la proportion d'actifs, ce qui est favorable à l'essor économique du pays», explique Hyppolite d'Albis, spécialiste en économie démographique, non sans souligner que par la suite «la baisse de la natalité a un effet négatif en accroissant la proportion de retraités». Si l'Algérie n'est pas dans le cas d'une baisse de la natalité, elle est néanmoins dans une situation de hausse du ratio de dépendance démographique (proportion des personnes de moins de 15 ans et de plus de 60 ans par rapport à la population en âge d'activité, soit 15-59 ans). Pression La part des moins de 15 ans a encore progressé, ainsi que celle des plus de 60 ans ; en revanche, la population en âge de travailler continue de régresser. La population algérienne est encore loin du vieillissement (les plus de 60 ans représentant moins de 9% de la population), mais ces chiffres peuvent servir à réfléchir «à des dispositifs publics et sociaux» en matière de prise en charge des personnes âgées, ainsi qu'à «la soutenabilité d'un système de retraite et à l'offre de soins et de services aux personnes dépendantes», estime Hyppolite d'Albis. Pour les jeunes, il s'agit de penser aux moyens de créer de l'emploi aux nouveaux entrants sur le marché du travail avec une croissance fébrile (moins de 5% ces 15 dernières années). Abderrahmane Benkhalfa affirme qu'il faudra «doubler le PIB actuel» pour prendre en charge les besoins futurs. Kamel Kateb, chercheur à l'Institut national des études démographiques (France), dans une étude sur la «Transition démographique et le marché du travail en Algérie» (2010), estimait qu'il faudra «créer deux fois plus d'emplois à l'horizon 2020 pour répondre à la demande». Le chercheur se base dans cette étude sur des projections de l'ONS (18,5 millions de la population active en 2020) et sur les chiffres de l'emploi de l'ONS de 2008 (9,1 millions d'emplois et 1,2 million de chômeurs). Selon lui, la demande d'emploi additionnelle pourrait se situer entre 250 000 et 300 000 entre 2015 et 2040. Alternatives Pour tous ces besoins, l'Algérie devra trouver un choix alternatif aux revenus de l'énergie pour plusieurs raisons, dont la durée de vie des ressources conventionnelles, l'évolution des cours du pétrole, ou encore l'augmentation de la consommation interne d'énergie. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a récemment déclaré que la durée de vie de nos hydrocarbures conventionnelles a été prolongée jusqu'en 2037. L'ancien ministre de l'Energie, Nordine Aït Laoussine, parle quant à lui d'épuisement à l'horizon 2030 si aucune nouvelle découverte significative n'est pas réalisée. Mohamed Beghoul, expert en énergie, affirme que les volumes commercialisés annuellement sont nettement supérieurs aux volumes découverts. Abderrahmane Mebtoul, citant des simulations de revenus d'exportation en 2013, parlait de possibilité de réaliser «des recettes de 55 milliards de dollars/an jusqu'en 2040 en supposant que les prix restent au niveau actuel». A l'époque, ils étaient encore au-dessus des 100 dollars le baril. Mais depuis, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a écarté toute éventualité d'un baril à 100 dollars, tablant sur un prix autour des 73 dollars d'ici à 2020. De surcroît, la hausse de la consommation interne d'énergie pose également problème. En dix ans (2003-2013), la consommation primaire d'énergie a augmenté de plus de 50%. Selon la CREG, les niveaux de nos besoins en gaz naturel se situeraient aux horizons 2020 à 54 milliards de m3, soit le double de la consommation actuelle. A ces besoins s'ajouteront les volumes à exporter qui sont déjà en baisse depuis quelques années. L'Union européenne s'inquiète d'ores et déjà de la capacité de l'Algérie à honorer ses engagements à long terme. Autant de préoccupations à prendre en compte. Reste à savoir si l'Etat, dans l'urgence de la situation actuelle et la précipitation qui a suivi la chute des cours pétroliers, pourra se soucier de l'après-2019.