Saïd Bouabdallah retrouve les planches avec la pièce Moi et le maréchal. Moi et le maréchal, la nouvelle pièce de la coopérative Warchat Al Bahia d'Oran, présentée dimanche soir lors du 9e Festival culturel du théâtre de Sidi Bel Abbès, qui se déroule jusqu'au 8 avril, évoque une thématique qui revient souvent dans le théâtre : la trahison. Mise en scène par Saïd Bouabdallah, d'après un texte du Marocain Ahmed Kars, la pièce est réduite à deux personnages, le maréchal (Bouhadjar Boutchiche) et le soldat Alphonso (Fouad Bendoubaba). Ils sont dans un bivouac loin, près d'une forêt. Le maréchal a fait comprendre au soldat qu'ils sont là par devoir national, pour «une mission secrète, pour défendre le pays menacé». En plus de monter la garde, le soldat lave le linge de l'officier et lui prépare à manger. A chaque fois qu'il demande la permission de se rendre en ville pour retrouver sa famille, le maréchal trouve un prétexte pour refuser sa requête. Le haut gradé, qui se rappelle qu'il avait «étranglé le droit» de ses propres mains et qu'il avait fait beaucoup de mal dans sa vie, est pris parfois par le remords. Il tente de se rapprocher davantage de son soldat, comme pour combler la faille qui peut exister entre deux mondes. Alphonso se rend compte que le maréchal est en fait impliqué dans un complot contre son pays. Il se venge alors à sa manière après avoir découvert la manipulation. Même si la mise en scène est simpliste avec une scénographie esthétiquement limitée et un éclairage peu maîtrisé, la pièce, qui peut relever de ce qu'on peut appeler le théâtre populaire, est malgré tout portée en grande partie par les deux comédiens. Deux comédiens qui ont fait une belle performance, jouant avec tous les accessoires, avec leur corps, leur voix. Bouhadjar Boutchiche travaille depuis des mois avec un groupe de jeunes comédiens de Hamam Bouhadjar (Aïn Témouchent) pour l'installation d'un petit théâtre indépendant. Une fabuleuse et courageuse initiative. Saïd Bouabdallah, ancien directeur du Théâtre régional d'Oran, a été attiré par le texte d'Ahmed Kars. «Ce texte était un coup de cœur pour moi. Il se concentre sur le conflit entre la trahison et le patriotisme. Un conflit qui va s'élaborer davantage au cours de la pièce. J'ai quelque peu modifié la fin de la pièce pour faire durer le plaisir. J'ai appris à travailler de cette manière après avoir côtoyé les grands noms du théâtre algérien. Les deux comédiens m'ont énormément aidé sur tous les plans. Ils sont disciplinés», a souligné Saïd Bouabdallah. Khaled Hounani a assuré la scénographie de la pièce Moi et le maréchal, alors que Abderrahim Ziani a composé la musique. «Je veux donner la chance à tout le monde. Je suis contre la présence du même scénographe dans plusieurs pièces. Il faut continuer le chemin de nos prédécesseurs et éviter de s'attarder encore sur les morts», a-t-il conseillé. Le chant ghiwani était présent au début et à la fin de la pièce. «C'est la tendance ici, comme vous le savez. Une manière de marquer artistiquement le territoire. Pour moi, le théâtre est simple et difficile à la fois. Mon travail comme metteur en scène se limite à faire de la mise en place. C'est une manière de libérer le comédien. A ce niveau-là, le comédien devient créateur. A mon avis, les jeunes qui font du théâtre aujourd'hui doivent compter sur eux-mêmes, se cultiver, s'installer dans la pratique théâtrale, sortir des paroles en l'air. Il faut laisser la théorie aux universitaires et se mettre sur scène. C'est là où on apprend», a plaidé Saïd Bouabdallah. Pour lui, les jeunes intéressés par le 4e art doivent assister à la présentation des pièces pour mieux comprendre le langage théâtral. La coopérative Warchat Al Bahia a déjà à son actif une quinzaine de pièces, dont des représentations pour enfants. «J'ai créé cette coopérative en famille pour avoir de la liberté. J'ai investi dans la relation humaine. Je fais fonctionner mon carnet d'adresses. Il suffit d'un coup de téléphone pour être programmé. Les comédiens qui travaillent avec moi prennent parfois des repas chez moi. Cette intimité est importante pour consolider le rapport avec les artistes», a soutenu Saïd Bouabdallah.