Largement dotée de richesses tant naturelles que culturelles et de potentialités pour les investissements, la wilaya de Béjaïa, région à vocation touristique s'il en est, a pourtant beaucoup de mal à assumer son rôle. Pour réaliser la promotion du produit Béjaïa, il y a un pas que les autorités tardent à franchir encore. Car pour cela, il faut une exploitation rationnelle des énormes potentialités et des atouts que Béjaïa a en propre, comme les quelque 120 kilomètres de côtes, tout l'arrière-pays qui se prolonge vers la vallée de la Soummam, horizon où se profile une chaîne de montagnes et se dresse des villages perchés sur les collines, à mettre en valeur. Une histoire plusieurs fois millénaires également et à peine explorée qui aurait pu inspirer des circuits. Toutefois, indépendamment des atouts, aussi variés qu'attractifs, ce sont les conditions d'accueil qui continuent à poser problème. Quand le chef-lieu de wilaya, la vitrine de Béjaïa, est sale, il est indécent de parler de tourisme. Et bien entendu, cela n'est pas seulement l'affaire de la direction du tourisme ou des opérateurs de l'hôtellerie et du tourisme de la wilaya de Béjaïa, mais de tout un chacun, du premier responsable de la commune et de ce qui fait office d'exécutif communal, du chef de l'exécutif de wilaya et des directions concernées, à savoir les services de sécurité, la Gendarmerie nationale, la direction des transports, la direction de l'énergie et des mines (Sonelgaz), la direction de l'hydraulique (l'Edémia), etc. Pour illustrer la regrettable situation dans laquelle patauge l'une des plus anciennes villes méditerranéennes, l'antique Saldae, nous énumérerons trois anecdotes. La première, rapportée dans ces mêmes colonnes, concerne la remarque faite par le maire de Tours (France) en visite à Béjaïa au chef de l'exécutif quand ils ont évoqué la vocation de la région : « On ne peut pas espérer recevoir des touristes quand on a une ville aussi sale. » En clair, le tourisme réceptif n'est pas pour demain, du moins dans cette région du pays. Autre invité. Yanis, un adolescent fraîchement débarqué du Québec en compagnie de ses frères et sœurs. Il a été choqué par un amas de détritus qui submergeait l'un des bâtiments de Sidi Ahmed où réside sa grand-mère et lieu de sa résidence. « Maman, tu as vu ces déchets ? » Un chaos de tôles, de caisses, de bidons aplatis, de vieilles planches…De quoi décourager le plus optimiste des Bougiotes. Enfin Clémence, étudiante en sciences politiques. Avant d'opter pour Istanbul, elle avait envisagé un moment de passer ses vacances en Algérie, dont une bonne partie à Béjaïa où elle devait retrouver ses camarades de classe, Amina et Moussa. Mais ces derniers ont prié tous les saints pour que le projet ne se concrétise pas. Non pas parce qu'ils ont rompu avec l'hospitalité légendaire de leurs ancêtres, mais de peur d'être dans la gêne devant l'état d'insalubrité de la ville. Un autre aspect de la question est, par ailleurs, soulevé par nombreux acteurs activant dans le circuit. La destination Béjaïa, qui a profité durant les années noires du terrorisme de la disqualification de destinations potentiellement concurrentes, n'arrive pas encore à s'adapter au changement de la donne. Les vacanciers nationaux ou venant de l'étranger découvrent, en effet, de plus en plus les plages et les mini-complexes du Jijelois entre autres, où la relance de l'activité s'oblige à une certaine attractivité en matière de prix. Un défi donc somme toute naturel dans le métier qui ne semble pas être assimilé par les opérateurs réguliers ou saisonniers.