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Abdelaziz Rahabi . ancien ministre : «L'histoire retiendra que la corruption et l'impunité ont marqué la présidence de Bouteflika» Economie : les autres articles
Ancien ministre de la Culture et de la Communication et porte-parole du gouvernement (1998-1999), ancien diplomate, Abdelaziz Rahabi nous livre dans cet entretien son constat implacable des 16 années de règne de Bouteflika. Une année après la réélection de A. Bouteflika pour un 4e mandat, quel est l'état de l'économie nationale selon vous ? Certains estiment que son règne à «immunisé» le pays, alors que d'autres parlent d'immobilisme et de paralysie totale... Il est illusoire d'envisager un quelconque développement économique sans un triptyque incontournable : démocratie, Etat de droit et justice sociale. Le mode de gouvernance de Bouteflika ne pouvait pas garantir un décollage économique, à l'image de celui de la Malaisie de Mahathir Mohamad, du Brésil post-dictature militaire, ou de l'Espagne post-franquiste. Il est plutôt dans les modèles de gouvernement arabes qui ont dirigé leurs pays dans les conditions que tout le monde connaît. Il faut reconnaître toutefois que nous n'avons pas de culture économique historique, car nous sommes passés d'une société rurale à une économie socialiste planifiée et centralisée, pour aboutir à une économie de bazar fortement dépendante de l'extérieur. En fait, l'économie est souvent conçue chez nous comme un outil de régulation des approvisionnements de la population, sans autre objectif que de garantir la paix sociale et par conséquence d'assurer la longévité du pouvoir politique en exercice. Cela ne changera qu'avec l'instauration d'un système démocratique et l'avènement de nouvelles élites économiques. Les multiples procès - Sonatrach, autoroute Est-ouest, Khalifa - sont-ils programmés pour faire le procès du règne Bouteflika, ou bien pour clore définitivement ces affaires qui ternissent sa présidence ? Il y a une surprenante simultanéité de tous ces procès auxquels est venu se greffer le projet de révision de la constitution, alors que certains dossiers sont en instruction depuis plus dix ans, et celui de la Constitution en gestation depuis 2011. Cette démarche participe, à mon sens, d'une opération de marketing politique destinée à occuper les Algériens et à gagner du temps. Elle renseigne également sur la volonté du gouvernement de classer ces dossiers de corruption en les vidant de leur caractère éminemment politique, car il s'agit avant tout de décisions d'autorités publiques et de commandes publiques. La corruption dans les marchés publics n'est possible que parce que les conditions de transparence ne sont pas réunies et l'impunité garantie pour les corrompus. C'est pourquoi, pour la première fois dans l'histoire de l'Algérie indépendante, la corruption a atteint des niveaux de responsabilité politique de rang gouvernemental, qui plus est dans des secteurs stratégiques et sensibles. Ces scandales ont fini par altérer la confiance du citoyen en son gouvernement, donnent une image d'un pays corrompu et ne favorisent pas l'investissement, donc le développement. Bouteflika a beau commander ces procès à la fin de son règne, l'histoire retiendra que la corruption et l'impunité ont marqué sa présidence. Il les a même élevés au rang d'outils de pouvoir. Enième stratégie industrielle, assises sur le commerce extérieur, nouvelle loi de finances complémentaire... le gouvernement est-il sur la bonne voie pour faire face à la baisse des ressources (chute des cours du pétrole) ? Si c'est non, que préconisez-vous pour y remédier ? ll faut avant tout se délier de l'illusion d'une rente perpétuelle qui garantirait la pérennité du modèle économique actuel, car dans l'hypothèse où le prix du pétrole se maintient à ce niveau, nous serons amenés à puiser tous les ans 20 à 30 milliards de dollars dans le Fonds de régulation des recettes (FRR). Alors nous n'avons plus d'autre choix si nous voulons éviter le FMI que de rationaliser nos choix budgétaires, de ne plus subventionner de la même manière le riche et le pauvre, de réformer le système bancaire, de lutter sérieusement contre la corruption, et de contrôler sérieusement l'usage qui est fait de la richesse publique. Notre économie étant insuffisamment protégée, il est urgent d'envisager une baisse ciblée des importations par le jeu des contingentements, de la TVA ou d'autres mesures de protection auxquelles tous les pays, y compris les plus avancés, ont recours dans des situations de crise. Il s'agit aussi de revoir notre modèle de consommation énergétique et agir sur les prix des produits énergétiques qui sont subventionnés à concurrence de plus 500% et qui ont encouragé le gaspillage et transformé notre pays en importateur de ces mêmes produits pour près de 6 milliards de dollars l'année dernière. Enfin, il faudrait appliquer les principes d'austérité et d'efficacité dans l'usage des ressources publiques, notamment dans les budgets de fonctionnement de l'Etat. Le train de vie de l'Etat, de ses démembrements et des représentants est au-dessus des moyens du pays.