Ecrivain, journaliste, traducteur, éditeur, le défunt François Maspero a été un des fervents défenseurs engagés pour l'indépendance de l'Algérie. L'éditeur anticolonialiste, François Maspero, est décédé samedi à Paris, à l'âge de 83 ans. Celui qui édita, malgré la menace et de nombreuses inculpations et saisies, livres et revues dénonçant l'ordre colonial français en Algérie, s'en va discrètement comme il l'aurait souhaité. Ecrivain, journaliste, traducteur, éditeur, François Maspero a été un des fervents défenseurs engagés pour l'indépendance de l'Algérie. Ne se suffisant pas à éditer des pamphlets et des livres contre la colonisation française, Maspero, appelé aussi «Masp», a été membre du réseau Jeanson (les porteurs de valises) et a été passeur de frontières. «A un moment donné, j'ai été convoqué par la Fédération de France du FLN, qui était en Allemagne, où on me dit : ‘‘Ça suffit comme ça, car si tu fais de l'édition d'un côté et tu fais aussi passer des frontières, ça va être dangereux pour toi et on finira par faire le lien''», confiait-il dans un entretien à Mediapart. Il publia les livres de Fanon, dont L'an V de la révolution algérienne qu'aucun autre éditeur n'a voulu publier par crainte de représailles. Et coucha sur papier la revue clandestine de Francis Jeanson, Vérité pourpre. Il a été l'un des signataires du Manifeste des 121 et fut inculpé, car soupçonné d'en avoir permis l'édition, ce qui n'était pas vrai. «J'ai commencé à éditer des livres, qui ont été interdits, sur la guerre d'Algérie, dont ceux de Frantz Fanon. Des livres qui m'ont valu beaucoup d'inculpations et de comparutions devant la justice. J'ai même été inculpé devant le tribunal militaire pour incitation littéraire à la désobéissance et la désertion et injures envers l'armée», confiait-il encore. Des poursuites qui n'ont pas ébranlé l'engagement du jeune éditeur en faveur de l'indépendance de l'Algérie qui s'obstina à rééditer les livres interdits. Outre l'édition, l'engagement de Maspero s'est aussi manifesté à travers l'écriture. Il parle des enfumades et condamne la barbarie coloniale dans son livre L'Honneur de Saint-Arnaud, où il raconte l'histoire d'un maréchal français qui aimait brûler les villages et pratiquer toutes les ignominies. Pour François Maspero, l'engagement ne se borne pas à l'indignation ou à la signature de pétitions, il est dans l'action et la prise de risque. Après l'indépendance de l'Algérie, il agrandit sa librairie et en fit le lieu de rencontre des militants de gauche et des esprits indépendants en France. Ses positions lui valent une série d'amendes, d'inculpations, de condamnation et même de privation de droits civiques. Maspero a voulu que sa maison d'édition soit un passeur d'idées et elle le fut. Il voulait en faire un moteur d'éclairage et de sensibilisation à l'adresse des citoyens pour qu'ils ne soient pas en marge des bouleversements politiques, culturels, sociaux et économiques. De la première idée d'éditer des recueils de poésie à celle d'en faire une librairie engagée pendant la guerre d'Algérie, la Librairie Maspero a marqué incontestablement, grâce à son concepteur, le paysage intellectuel français. «J'ai des sentiments extrêmement simples de révolte et d'indignation. La dérive libérale est la plus terrible des utopies. Elle est aussi plus terrifiante que d'autres, car on n'en voit pas la fin. Je crois donc à la lutte, sinon il n'y a plus d'histoire et peut-être plus d'humanité», disait l'éditeur et intellectuel engagé. Les éditions Maspero ont été reprises en 1982 par François Geze pour devenir les éditions La découverte.